dimanche 15 décembre 2013

Les saisons d'Epona

   J'ai choisi la version de Lys Epona courant mars, toute fin d'hiver, avec son temps parfois étrange, humide, frais, mais pas toujours... Puis j'ai découvert son visage définitif, celui d'après le sortilège de l'eau, début mai, au cœur du printemps et de ses jours plus cléments, encore un peu agités par moment...
   Depuis, toutes les saisons ont parlé, même si je ne connais pas encore le froid presque polaire que peut nous réserver janvier !
   Et après l'avoir retournée en tout sens, à la hussarde même, après l'avoir disséquée, toujours avec amour, je la connais donc enfin sous tous les temps et ça c'est essentiel... C'est surtout divinement bon !!!
   En plein à priori, avant de vivre la complète révolution astrale en sa compagnie, j'ai immédiatement pensé que le meilleur des temps pour elle était une belle journée tiède, un peu venteuse, entre coup de chaud et frais. Une météo qui mettrait tous les éléments au même niveau afin que chacun parle comme il l'entend.
   Puis le calendrier s'est écoulé, j'ai appris et les belles journées ensoleillées et fraiches du moment m'ont donné envie de parler de toutes les différences d'humeur de la bête.




Du Printemps :
    Mon premier contact d'une certaine façon. Et effectivement c'est là que j'ai entendu toutes ses
 matières se répondre le plus clairement, chacune où je l'attendais.
    Au printemps Lys Epona s'est révélée combative, farouche et fière, dévoilant doucement son
labdanum sans vraiment en jouer toutefois... Ce qui a été une très belle ruse pour m'apprivoiser je
dois dire !
    L'animalité était sauvage et la sensualité d'un rêche séducteur... Apre et enjôleuse, Lys Epona a joué carte sur table sans pour autant dévoiler son jeu. Tout y était cédant goutte à goutte chaque image sans jamais tomber le masque... Vive dans les coups de froid, sensuelle dans les courants chauds...
    Le printemps finalement lui donne un air qui se moque de tout, elle vit sa vie.





De l'Eté :
     Puis les jours ont explosé sous la chaleur et j'ai eu peur. Peur de voir surgir le labdanum et l'entendre crier vanille (oui j'ai des peurs irrationnelles, mais toujours de bon gout !). Pourtant c'est une moiteur languissante qui est apparue sous la toxicité narcotique des fleurs blanches et ce fut délicieux !
     Comme macérée dans ses fantasmes Lys Epona a exhalé entre moiteur et raideur. Acreté d'écurie
mêlée de salive séchée, une explosion charnelle !
     Le labdanum est monté aussi, comme l'accessoire nécessaire à la balance entre rigidité et décomposition... Le gant de la main qui gifle.







De l'Automne :
     Lorsque le temps s'assombrit, l'image devient ombrageuse et Lys Epona glisse dans un univers plus rude, une danse avec les éléments s'opère et elle se trouve gorgée d'une nostalgie sensuelle.
     Parfois un peu jeune dans sa course, le vert sec trébuche et se mouille dans l'écurie... Plus mure elle se trouble d'un lys pourrissant sur un lit médicinal.
     Elle joue sur une fraicheur qui se laisse vaincre par la chaleur d'un labdanum fusant au milieu des
fleurs.
     Elle est la ruade qui défie le temps, un dernier galop de liberté, érotique, presque rageur, celui qui fait perdre la notion du temps.





De l'Hiver :
     Saisie par le froid Lys Epona pétille ! Ultra vivifiante elle offre son ouverture aux quatre vents et fouette le sang avec eux.
     Les fleurs sont un peu closes oui, mais elles sont bien là, comme un cachemire autour du cou, léger mais confortable... Indispensable !
     C'est raide, rêche, âpre. Et pourtant un murmure chaleureux accompagne la course éperdue. Comme si les matière cristallisées se condensaient sur un cuir encore tiède.
     Elle s'est roulée dans les herbes fraiches, a accroché quelques fleurs tardives à ses jupons et maintenant elle rit de tout ça.
  
  

  

   Aujourd'hui je ne saurais choisir sa saison... J'avoue juste que le printemps n'est pas ma préférée, c'est étrange, c'est pourtant le temps de notre rencontre...






Les photos sont celles de kimonos réalisés par Itchiku Kubota, de pures merveilles respectant la technique ancienne "Tsujigahana". Cote à cote ces kimonos forment un paysage continu. Un temps fou pour les réaliser, l'œuvre d'une vie... Sublimes.
Les informations sont éparses à ce sujet mais elles méritent la recherche...




jeudi 31 octobre 2013

Digression : L'origan, Coty

    L’Origan et moi c’est une passion destructive...



    Mais tout d'abord tranchons net : il est question d’un extrait vintage, le drugstore étant fermé près de chez moi, la version actuelle me reste inaccessible…   
   Puis évitons l’hémorragie usuelle : L’Heure Bleue de Guerlain n’existe pas en ce jour de 1905, et n’existera pas avant 1912. Oublions donc ce cher Jacques et louons ce grandiose François…



    




   Chaque fois il jaillit de son flacon tel un génie de lampe magique, un tourbillon étourdissant possédant l’art du voyage dans le temps.
   Son ouverture est juste incroyable : saturée de lumière elle dessine pourtant déjà le corps poudré, emmitouflé de fourrures fauves, dense et palpitant.
   L’espace d’un instant c’est un givre aldéhydé marié d’oranges un peu amères, à peine paré d’anis, fouetté d’une coriandre verte et corsée, qui éclate autours d’un corps épais de fleurs, d’épices… Dans un recoin, une peau animale presque cuirée, à la limite du fantasme fumé attend…
   Là s’impose un ylang épais, nimbé d’une poudre grasse où l’accord cosmétique rose/violette s’entoure d’amande, d’héliotrope grisé. Au milieu le rythme relevé d’épices joue sur la muscade et la cannelle. L’œillet bien présent se fait pourtant presque tendre, les bois patinés oscillent entre sciure et cire… Une impression de cerises confites dans les aiguilles de pin prend place, une pincée de cèdre en guise de poivre exotique l’accompagne.
    Puis l’animalité sort de l’ombre. La fourrure parsemée de neige du départ s’est réchauffée, elle exhale, poudrée, poussiéreuse d’encens, grasse d’un sébum ambré et patiné d’une gomme au fruité rouge. Sous le pelage, le corps musqué, savonné de civette un peu acre, se dévoile de plus en plus à travers des vapeurs lourdes.

   C’est magnifique.  Bien qu'un peu brusque, son équilibre est fier, éclatant, parfait dans son allure.

   …Puis nous commençons à nous regarder de travers. Lui, s’ingéniant à rendre sa vanille de plus en présente, ignorant ma sensibilité pourtant fort bien placée. Moi, anticipant son prochain esclandre chez Ambre en stock…
   J’ai beau tenter de repenser à cette gousse palpitante d’encens qu’il me présentait fièrement à nos débuts, je ne vois plus qu’un macaron vanille trop lourd pour frémir.
   Pourtant, sous ce quotidien étouffant, une tendresse de vieille maîtresse persiste. Je reconnais en lui coumarine et benjoin attractifs, mais ces atours ont forcé le trait, il n'est plus pour moi. Il a changé, une autre l’aimera ainsi mieux que moi…
   Mais masochisme d’une vieille maîtresse, il arrive toujours un jour où j’y retourne, une de ces journées où je me dis « Putain ! C’était si bon… » . Une journée où je suis prête à voir mon estomac se nouer juste pour quelques heures de plaisir dans son odeur…

  

   Le couinement des violons s’éloignant enfin, il reste un parfum somptueux, richement vêtu, à la force évocatrice rare pour moi. C’est un univers de fête folle, au cœur de l’hiver, dans une salle de bal chauffée de champagne, de rires, de vêtements précieux, de visages fardés… Une époque riche où l’on expose une insouciance feinte, masquant une nostalgie terrible.

  Tout se fissure, et alors ? Dansons…



Photo : Thomas Jorion

 







samedi 26 octobre 2013

De blog en blog



Je vais vous livrer une recette exclusive, préparée avec dérision et amour.
Pour cela il vous faut :
De la Parfumista...
De la Perfume Addict...
De la Passionnée de Parfum...
N'hésitez pas à ajouter de la Névrosée du flacon. Ca coute un peu cher mais c'est toujours du plus bel effet.
Mélangez doucement avec de l'illustratrice qui parle anglais dans sa tête, de préférence déjà un peu folle, cela n'en sera que meilleur.


Laissez reposer le temps de quelques lignes un peu ennuyeuses, et cliquez...



     

      Le fait est : j’aime parler parfum.

      Au fil de l’histoire de Lys Epona j’ai d’ailleurs parfois digressé autour de certains dont je suis amoureuse ou simplement qui m’interpellent. Et, c’était couru d’avance, j’y ai pris goût.
     Mettre en mots ce que m’évoque les parfums, les odeurs, est un moment précieux pour moi. Comme se rejouer une musique les yeux fermés, tous sens ouverts et en revivre l’émotion. Se laisser envahir par la puissance du transport, tenter d’en saisir les nuances et livrer, entre fantasme et réalité, délicieusement biaisé par le cerveau, un morceau symbolique.

     Mais la philosophie de flacon c’est aussi au quotidien qu’elle se vit, entre petites choses ravissantes et foutues bourdes incongrues. Parce que parfois la musique on la met à fond, on beugle dessus en yaourt comme un diable de Tasmanie, on casse tout voire même trois pattes à un canard… Parfois aussi on ne se souvient pas des paroles, on sifflote à peine, on s’endort.

    Bref le parfum c’est aussi tout simple et léger.

    Alors voilà, grâce à mon amie qui a su illustrer les affres du périple de Lys Epona, j'ai attrappé un autre gout : celui des petites incursions dans l'univers de tous les jours.
    Elle aussi a dû y prendre goût puisqu’aujourd’hui je suis fébrile comme une puce sous Black Afgano pour vous présenter, sorti tout droit de nos petites expériences réelles ou rêvée, ce blog à deux têtes et deux langues, tout dévoué aux aléas de la vie parfumée :

 
 
 
 

                                                                                            
 




 

vendredi 4 octobre 2013

Dans un Chapeau...



 ... Il y a des petits bouts de papier griffonnés de jolis noms. Ils attendent sagement qu'une main innocente se présente et qu'elle en tire un.
   






Mais une main innocente est bien dure à trouver autour de moi.


   




   
  
    D'emblée je dois écarter la mienne, encore humide de parfum empestant divinement civette, costus, castoréum ou même simplement la douce base Animalis.  L'innocence n'est pas son registre, elle flirte plutôt avec les vieux Tabu ces temps ci...







   Mon ami qui n'entend rien au parfum et voit des poneys partout pourrait faire l'affaire.
   Je lui demande, il soupire, s'approche, main assouplie, doigts déliés, prêt à caresser chaque recoin de papier pour atteindre l'inconnu du chapeau...
   Mais l'œil trop malicieux il demande alors : " Je dois prendre lequel ? "... " Mais ça va pas la main ! C'est du hasard, un jeu, je ne veux rien, surprends moi "
    Il soupire, s'éloigne, la main dans la poche,  le chapeau sur la tête et atteint finalement la porte... Foutre diantre, voilà qui tombe à l'eau ! Avec un cou qui embaume Bandit j'aurais dû m'en douter...





   J'ai pensé ensuite à la main de la petite fille d'une amie, mais cette mini main s'est, un jour, rendue coupable, lors d'un élan trop enthousiaste, d'un renversement partiel de Tubéreuse Criminelle... Un comble pour le côté innocent, je ne lui fais plus confiance!



   

   Ensuite, suivant la piste des petits monstres sans cou, il y a mon neveu.







   Mais au moment de lui demander, sa main est en pleine discussion avec un pot de pâte à tartiner choco/pistache/noisette/amande/pignon/géranium, bio/équitable/locavore/humaniste, sans sucre/gras/gluten/conservateur/antibio... Un pot super pro mais, qui comme les autres, colle partout, des orteils aux oreilles, et rend la main inutilisable. Il a beau bouder, Chocolate Greedy près de moi, c'est impossible.

   




   Une main amie alors. Mais choisir parmi les amis c'est ouvrir la guerre : des mains se proclameront plus innocentes les unes que les d'autres, certaines seront occupées ce jour là précis, d'autres râleront si elles ne sont pas témoins, comme lors du mariage de tante Gudrune... Une main amie doit rester celle qui permet de sentir le parfum des Heures défiler sur une autre peau, pas celle qui tripote des papiers au fond d'un chapeau noir !


   


  

   

     Et bien décidément, force est de constater que je suis en manque d'innocence et donc élégance est d'offrir à chacun une goutte de la version test qu'il a choisie... Et sans vouloir égratigner ma bonté d'âme, vous avez tous choisi une version différente, ce qui est bien plus simple et totalement possible ainsi !!!







 Envoyez moi un mail à lys.epona@gmail.com , avec votre adresse et votre numéro de fiole. Une enveloppe partira alors au plus vite vers votre boîte à lettre (peut être pas si vite, mais elle partira ! ).
  

dimanche 22 septembre 2013

Digression : Acaciosa, Caron

La belle dame sans pitié (détail), Cowper 1926. Inspirée par le poème de Keats.

    ...Souvenir d'une journée d'août...
    Toujours ce temps qui me pousse vers des parfums qui n'ont pourtant rien de rafraîchissant, ce temps chaud qui révèle une opulence somptueuse lorsque l'on ose et que la main sait se faire légère.
    Hésitant régulièrement entre Chaldée, qui reviendra sur scène bientôt, et Acaciosa, qui a fait ses adieux il y a peu, qui, après vérification auprès de Caron suite au commentaire de Yohan (merci!), est simplement retiré de la distribution fontaine pour n'être proposé qu'à la demande sous forme d'un vapo remplissable (tant "que la production sera possible" selon mon interlocutrice),  je plonge ce soir dans le Caron... L'avidité décuplée par la (semi!) perte de ce trésor et le plaisir vainqueur face à un flacon plein de jus désirable.

    Son ouverture étincelle, un éclat de rire brillant, entre rondeur sensuelle et verdeur acidulée, une brassée de fleurs épanouies, lumineuse.
    Dès le départ Caron est là : rose, jasmin et fleur d'oranger en fer de lance miellé. Une rose presque baumée, un jasmin mûr sans âcreté, une fleur d'oranger sans rien de poupin ou alimentaire malgré une amande qui pointe (ce qui est rare pour mon esprit et mon nez !). Un accord solaire et plein, riche et dense.
    Au milieu la surprise est évidente et vous regarde comme une allumeuse : c'est une sorte de liqueur exotique qui coule au fond de la gorge, le sucre d'un fruit ultra mur qui conserve une pointe d'acidité, juste de quoi pétiller un peu et éviter le collant du nectar... Cette fameuse note ananas (que l'on retrouvera avec Colony de Patou quelques années plus tard) qui pourrait sembler un peu incongrue, ou en partance pour de lointaines destinations, est en fait superbement menée : c'est un rythme dans la fragrance, elle ne prend pas le pas dans la construction, elle ne donne pas de direction péremptoire... Juste une lumière.
    Et puis, si à tout hasard le vent voulait tourner vers la gourmandise d'une amande héliotropée bien présente, il y a une note verte, à la limite de l'aigre d'une herbe écrasée, qui corsète doucement l'ensemble l'empêchant de se vautrer dans les filets tendus de l'ambre.
    Mais avant que celui ci n'arrive, même si très tôt son ombre danse, il y a quelque chose qui me déroute : du mimosa ! Oui pour moi Acaciosa exprime le mimosa chaud, à point et saturé, loin du poudré duveteux gentil généralement exprimé. Du mimosa baigné dans un duo de miel acacia tilleul, soutenu par une fleur d'oranger un peu toxique, comme presque seul Caron a su faire. C'est un mimosa abstrait, reconstruit et imaginé dans une autre dimension, mais c'est un mimosa superbe, rayonnant, joyeux et sensuel. Pas de mimosa annoncé dans la pyramide, mais qui s'en soucie ? Un mimosa imaginaire, après tout qu'importe...

    -Je sais que le mimosa de Caron est Fanésiana... Celui ci est surtout un indigeste gâteau saturé de sucre, d'amande, de dragées, d'héliotrope. Un mimosa qui se goinfre un peu trop de petits fours au buffet et qui disparaît sous lui en moins de deux, une duchesse trop dodue qui glousse sous ses fards... Je brise là la digression dans la digression ! -

   L'évolution donne une jolie place au jasmin qui au départ était un peu trop proche de l'ylang. Là il joue sur un tableau plus élégant et sobre, il s'assombrit de mystère avec l'affirmation d'un ambre doux et un peu rêche, boisé. Grâce à ces deux aspects l'écueil d'une fin gourmande est évité : ce n'est pas un lit vanillé aux fruits collants mais la chaleur que la terre restitue au soleil couchant, la journée fut mimosa et orgie de miel, la nuit devient santal et ambre. La peau encore tiède, patinée garde des traces.

   Acaciosa, créé en 1929 par Ernest Daltroff est souvent rapproché de Joy de Patou, son cadet plus connu. Un généreux bouquet floral les unit certes, mais ce n'est pas assez je trouve. Si Acaciosa devait avoir une famille il resterait chez Caron et serait le fruit d'un Narcisse Noir rencontrant un Pois de Senteur... Et si vraiment Patou le tente et bien, sans doute mes envies du moment jouent elles, mais je le verrais bien plus au bras de Chaldée justement !










                              
 

dimanche 15 septembre 2013

Deux gouttes en arrière

    Depuis un mois Lys Epona poursuit sa route, s'accrochant à d'autres nez, de peau en peau, de maison en maison, elle voyage.
    J'ai raconté son histoire ici, tranche par tranche, depuis l'odeur croisée à celle rêvée, pour enfin aboutir à ce parfum  bel et bien réel.
    Et maintenant que "tout est fait" je me sens presque privée d'histoires à dévoiler, de fils à dérouler, de trucs à dire !!! (enfin je peux toujours essayer de vous parler vente, et vous raconter ma façon d'être telle une poule face à un couteau...)





Illustration : Elodie Lahaye

     Pourtant ce que je vis à présent est terriblement fort, j'aurais plein de choses à dire... C'est une valse continue entre apaisement épanouissant et avidité excitante. Épanouie devant le flacon plein du jus que j'ai voulu et excitée devant les réactions qu'il produit.
    Pendant sa création je n'ai pensé qu'à mes émotions, un égoïsme pur et délectable. Pas un instant l'idée qu'il puisse en susciter chez d'autres ne m'a effleurée, j'étais dans la simple curiosité de futurs "J'aime/J'aime pas". Un peu comme lorsque la parfaite ménagère qui est en moi prépare une tarte et espère simplement régaler tout le monde en disant fièrement "c'est moi qui l'ai fait" !

    Alors, même si je sais le pouvoir  évocateur des parfums, celui de mes adorés qui me font vibrer jusqu'à l'os, qui me prennent aux tripes et les tordent de plaisir, qui sont une explosion de joie, un orage de nostalgie, une bulle de bonheur... Sans oublier les abhorrés qui soulèvent l'estomac et donnent envie de se ronger la patte pour échapper au piège fétide dont la tenue est en général proportionnelle au dégoût inspiré ! Oui, je sais les transports... Seulement cela ne m'a pas effleuré.
     Puis il y a eu des mots, vos mots, comme une vague inattendue, et j'ai réalisé que Lys Epona n'était plus Mon parfum mais Un parfum, vrai, à part entière, vivant, se donnant à qui l'aimait, comme il le voulait. Et ça c'est absolument magique ! Lire ce que d'autres sentent, ressentent, les images qu'il suscite, tout ce qu'il peut charrier... Une prise de distance fascinée s'opère, je vois l'histoire de Lys Epona commencer réellement maintenant.
    Mille merci à vous qui avez pris un instant pour écrire vos émotions, ici ou sur les forums, ce partage est fabuleux, il m'est précieux.


    Et depuis quelques temps une idée me trotte en tête... Sentir enfin un parfum après avoir suivi tout son processus créatif est une chose. Mais en tant que passionnée je crois que je serais du coup très curieuse de sentir ce qu'ont pu être ses versions décrites et non retenues, j'aimerais avoir une odeur à me mettre sous le nez pour illustrer les mots et surtout entrevoir un bout du fil de la construction. Et je me dis que je ne suis peut etre pas la seule qui aurait cette curiosité...

   Alors voilà la proposition : maintenant que vous avez sniffé la bête, ça vous plairait d'avoir deux gouttes d'une version antérieure ? Il y a 11 numéros, à vous de voir celui qui vous interpelle. Des descriptions pour se remémorer les choses ici, , ailleurs , dans ce coin aussi.
   J'ai très peu de jus des différentes versions, ce qui me pousse à lancer la grande tombola annuelle de Saint Patin en Mourçon afin de lâchement ne pas avoir à choisir  qui aura l'échantillon (le blog à des milliers d'adorateurs, comprenez moi ! ). Un petit mot sur le parfum ("c'est beau", "c'est moche" "chaussette", tout me va!), le numéro de la version que vous aimeriez découvrir et puis hop ! A l'ancienne : une main innocente, les yeux fermés et un tirage au sort dans un chapeau ! Celles/ceux qui sont déjà passés, juste un numéro et je comprendrai facilement normalement !



Illustration : Elodie Lahaye



 ... Voilà, je vous disais bien que j'avais l'air d'une poule (sous ecstasy) devant un couteau (un chapeau) en ce qui concerne les relations publiques !!!
    
  


         

mercredi 7 août 2013

Depuis quelques jours....

 ... Et donc avec quelque retard, je voulais vous dire :



 

Illustration Elodie Lahaye





    Voilà. Lys Epona vit maintenant sa vie en dehors de moi. Libérée de mes mains protectrices et de mon nez égoïste, Lys Epona est en vente.
     Elle fait une petite halte dans la modernité sociale, mais surtout... Elle se pavane aujourd'hui chez Jovoy, l'antre grâce à laquelle elle a pu prendre forme et qui démontre que l'on peut faire des choses hors des sentiers battus juste par passion, pour le plaisir.
   
     Cela fait plus d'un an que tout a commencé. Une simple discussion, l'évocation d'un souvenir. A ce moment là je n'ai pas songé un instant que le fil se déroulerait ainsi !
     J'ai savouré chaque jour, râlé aussi parfois. J'ai tenté d'y mettre, à chaque note, à chaque forme, à chaque image, un morceau de mon univers. Lys Epona me ressemble et j'en suis fière.
    C'est peut être d'ailleurs pour cela que j'ai mis un peu de temps à écrire cette annonce : le temps nécessaire à observer et déguster tout cela, le temps de vivre un peu égoïstement cet instant, le temps d'accepter chaque défaut comme une coquetterie et de pouvoir dire sans fausse pudeur : je suis fière.

    Maintenant, tout en savourant,  je suis terriblement curieuse de vos avis, de connaitre vos ressentis sur ce jus et tout ce qui l'entoure. Car, si Lys Epona est entièrement faite à mon goût, elle est aussi faite pour être sur d'autres peaux.
    La découvrir par le prisme d'une civette au bois dormant qui non seulement écrit divinement mais sait, en plus, l'art de donner corps à ses propres rêves parfumés, est un plaisir tellement entier et troublant...
    ... De bien ou de mal, je suis avide de savoir son effet !

    J'ai adoré cette aventure et tout ce que j'ai appris. Ce fut une sorte d'espace temps totalement à part dédié à l'expression d'un fantasme.
    La partager ici a été une part importante du plaisir qui m'a entouré...
    Il va falloir que je trouve quelque chose afin de continuer ces pages ! Jeter un sort afin que Lys Epona, une fois ces 100 flacons épuisés, trouve une seconde vie ? Ouvrir un nouveau fantasme ?

 
  
  
  


  

dimanche 28 juillet 2013

L'aperçu flou



   Je ne devrais sans doute pas... Je devrais attendre sagement, faire tout de façon impeccable, contrôlée, léchée... Si j'étais sage, impeccable et contrôlée (quant à léchée, je ne vois pas ce qu'il viendrait faire ici ! ) cela se saurait et je ne serais sans doute pas là à conter cette histoire folle pas à pas.
Et puis ayant fait preuve de grande patience ces derniers temps, celle ci est épuisée alors que l'envie et l'excitation sont, elles, en pleine forme... Donc je ne résiste pas à ces quelques images avant une prise de vue un peu plus jolie, nette et officielle !
 
 

 

 




   C'est étrange, je suis très à l'aise avec les critiques quant au jus : je l'aime, je l'ai voulu ainsi. S'il ne plait pas je suis déçue mais jamais blessée, ni même un brin vexée.
   Mais ces étiquettes, cette boite, cette présentation (que j'aime et ai voulu ainsi ! )... J'avoue qu'un petit tourment narquois me titille à l'idée que cela ne plaise pas !
  

lundi 8 juillet 2013

Les Arlésiennes...

   ...Parce que tout semble fonctionner au ralenti et prendre un malin plaisir à retarder le projet, juste à cause d'étiquettes qui se prélassent je ne sais où, sans raison, pour le plaisir de me faire tourner en bourrique, ça j'en suis certaine et énervée ! Elles sont toujours sur le point d'etre prêtes, on en parle sans cesse, mais on ne les voit jamais arriver... Alors depuis que j'ai fait le graphisme fin avril je trépigne et tente de pousser des brouettes !!!
   Puis je me suis demandé ce que je pourrais bien raconter lorsqu'elles arrivont enfin...








Finalement lors d'une soirée, une envie du coté de Bouts de vie illustrés s'impose, avec une petite revendication de ma part...





















Cette fois je veux me montrer un peu comme je suis réellement...



















N'ayant pas l'ombre d'un pantalon ou de basquette dans mes armoires, je voulais mes vrais froufrous de tous les jours...













                                             




                                                           Afin de vous dire avec mon vrai visage :


Illustration Elodie Lahaye



 
 
Il y a encore des choses à mettre au point, mais c'est une étape qui fait avancer de façon astronomique et je suis terriblement contente ! Je vais peut être pouvoir commencer à dire bientot sans risque de mentir je crois...

jeudi 20 juin 2013

Digression : My Sin, Lanvin

    Avec un temps aléatoire où il fait nuit à 11h et 30° à 23h, où le ciel est d'une humidité diluvienne et colle à la peau, mes envies se limitent à Chaldée, Musk du Roy, Onda et Acaciosa, toutes en légèreté donc... Mais aujourd'hui je n'ai pas résisté à My Sin. Ou plutôt Mon Péché, car mon vieil extrait porte le nom français.

1924. Les années folles, où les garçonnes côtoient encore les vestiges d'une autre époque. Lignes art déco, graphiques, le corps de la femme n'est plus surligné ni entravé, le tissu tombe même abruptement sur les formes, dissimulant la sirène immobile d'antan, la mode remodèle et parfois une austérité informe plane... Pourtant le moindre mouvement, un courant d'air, fait onduler le corps sous les tissus, les matières épousent là où les coupes tentent d'effacer, les décolletés sont bel et bien plongeants et Hollywood n'a pas encore glacé le sang de ses actrices... Ce n'est plus le corps immobile que l'on expose, c'est son mouvement. Joséphine Baker se dévoile sur les planches et les femmes font de même dans les rues de Paris. My Sin créé en 1924.

    Son ouverture en volée aldéhydée ultra savonneuse est un leurre... Une propreté lumineuse clamée pour être mieux descendue sous le joug d'un bouquet capiteux et toxique. Des fleurs épanouies pour faire jaillir une peau animale.
     Le savon est sec, fendillé. Le jasmin indolique, mais avec une pointe verte. La rose rouge, mais pas centrale. L'iris rêche, mais cosmétique. Cet ensemble, qui danse dans son vieux savon, est parsemé de clous de girofle piquants sans etre envahissants. Une acidité verte de muguet, tamisée par une sorte de foin jeune et un peu âpre, ajuste ce qui pourrait n'être qu'un simple "gros bouquet". Cette balance est saisissante.
    Et au milieu une pulsation met à jour une animalité terriblement racée et sure d'elle. Rien de tapageur. Pas de cul arrogant et facile, pas d'exhibition. Juste un geyser de civette aux creux des reins, une avalanche de muscs le long de la nuque, une brume de styrax dans les cheveux... Une évidence.
    My Sin devient chaud, le propre et le talc fusant tournent au moite légèrement chloré, épicé. C'est la peau qui prend alors le pas, elle exsude entre bois et cire, sans tuer les fleurs pour autant, elle se corse. Une idée un peu "terreuse après la pluie en sous bois" apparaît, elle se fond vite dans une fumée ambrée confortable, le baume tolu tout en finesse. Un fantasme de santal et d'encens s'ancre dans le sébum.
    Son élégance à l'étincelle brulante est chargée d'un érotisme qui joue la maîtrise comme une perversion avec, au final, un abandon lascif dans les fourrures.
 

   
Myrna Loy
  




















vendredi 14 juin 2013

Du sortilège de l'eau

Lys Epona a donc un brin changé et j'aime cette lumière qui n'a rien de solaire, juste radieuse... Mais quelle magie a bien pu opérer ? Quel charme y a t il là-dessous ?
La formule tient en quelques mots :

Circe Invidiosa, Waterhouse 1892
   Le parfum est deux trois choses entre nature, synthétique, alcool et eau. Et ma part d'inconnu est là, toute simple. Celle qui s'est immiscée dans le jus afin de lui donner un lustre, une matière, une fluidité qui était imprévisible, est juste de l'eau. Alors ce changement -Ho ! Pas grand chose, pas d'ouragan, un simple battement d'ailes de hibou en fait- je dois avouer que j'avais été prévenue qu'il rodait :
   Lors d'une rencontre, Vincent Micotti des parfums Ys Uzac me glissa cet augure : "ton parfum grâce à l'eau sera lié "... Bon, il n'a sans doute pas dit cela ainsi mais la substance du propos me semble correcte, voire intacte ! Je lui faisais découvrir la fiole test de Lys Epona et pour lui deux choses ressortaient : le caractère naturel des matières et celui chaotique de sa présentation. Et c'est sur ce chaos (que j'aime/assume/soutiens ... !!! ) que l'information déboula : on met de l'eau dans le parfum, on va mettre de l'eau dans mon parfum...
  La macération paye sa part aux anges d'une légère évaporation. Pour retrouver le volume initial l'eau coule doucement et la balance est rétablie. Si pour moi mettre de l'eau dans du parfum se résumait à le rendre trouble, au sens concret, pour lui cela était un liant avec lequel il fallait jouer, un subtil ingrédient à part entière.
   Cela m'a terriblement stressée de savoir que cette opération se ferait sans moi, que je ne pourrais rien controler et que mon parfum en sortirait surement changé. Je ne voulais pas de ce changement et j'ai donc mis sous clef l'information en maugréant que je comptais bien rester Team Vader et certainement pas passer Team Ewok !!!

  
  Voilà donc la chose toute simple qui s'est produite, une goutte d'eau a relevé la potion sans en changer le pouvoir, une jolie surprise !

mercredi 5 juin 2013

Le Trouble et la lumière

      Lorsque j’ai mis le nez pour la première fois dans les effluves finales de Lys Epona un détail olfactif s’est accroché à mon esprit d’une façon assez particulière : c’était bien mon parfum, celui choisi parmi les trois dernières versions, mais il y avait quelque chose de particulier, un infime détail, flagrant en réalité. Je l’ai totalement occulté dans un premier temps. Le parfum était là, j’étais excitée, je le voulais et j’ai fermé le nez sur cette sensation.
      Mais pourtant chaque fois c’était comme une différence de lumière, une voix imperceptiblement modulée, le même rôle, le même texte, mais d'une humeur différente. 

      Pendant quelques temps j’ai nié cette évidence. Par une sorte d’humilité bien étrange j’ai mis cela sur le compte de mon nez et du fait que l’on ne pouvait pas avoir l’outrecuidance de me donner autre chose que ce qui était prévu (oui c’est moins humble, là, maintenant…). Puis j’ai eu peur de réaliser que ce n’était pas ce que je voulais si d’aventure je me laissais aller à suivre mes impressions et plongeais dans la décortication du jus. J’ai donc joyeusement adopté la bête et coupé la tête à toute question !


Il y a un moment où il faut plonger...


  
   Toutefois les questions sont têtues et trouvent toujours moyen de surgir.
  « Il est plus homogène/fluide/ harmonieux/fondu que celui d’avant » ainsi parlèrent certains cobayes des plus affinés. « Mais C’EST celui d’avant » pestai-je !!! Bref, après plusieurs remarques de ce type je ne pouvais plus simuler, je me jetai dans l'étude et plongeai dans un nouveau bain…




     J’ai alors laissé toutes les impressions m’envahir. Comme si le parfum éclatait en moi, juste être transportée dans ses couleurs, ses textures, sa musique, son univers… Observer l'oeil du cyclone et se laisser happer. J’ai savouré l'instant d'une nouvelle découverte.


   
    Les différences sont bien là oui. Mais comme un révélateur. Les heurts que j’aimais tant par leurs aspects déterminés, radicaux, violents et que j’avais tant peur de perdre se révèlent non pas tamisés mais liés par une sorte d’assurance. Ce n’est plus de la rébellion adolescente au souffle parfois saccadé (car maintenant c’est ainsi que je vois la version test !) mais un choix savamment vécu, une personnalité totalement indivisible, passionnée et épanouie. J’avais aussi peur de voir le museau trop strict de la version 11 se pointer, une sorte de frigidité impeccable dans la soie haute couture. Je n’ai qu’une soie sauvage et froissée, parfaitement hors des podiums. 

     Et d’un point de vue technique je découvre dès le départ ce qui d’ordinaire me fait soupirer d’ennui : la bergamote. Généralement ce passage obligé des notes de tête me laisse juste une impression d’agrume citronné loin de son odeur si particulière. Elle est ici en filigrane mais d’une luminosité réelle, dense mais sans prendre d’ampleur, elle me transporte à Nancy, une tasse de Lady Grey au bord des lèvres. Vautrée dans le camphre et les fleurs fusantes, déjà salie de foin, l’ouverture est radieuse, furieuse.
     L’évolution se fait de façon plus subtile aussi, sans pour autant perdre de force, le caractère est là et chaque facette s’accorde sans avoir à hausser le ton, sans laisser de silence pesant, sans tomber dans un précipice. Dans la version test de grandes enjambées servaient de passage, maintenant seule  la pente est raide, le chemin lui est dégagé.
      Le cœur de cuir se fait peau, les naseaux soufflent chaud, c’est vivant, ça palpite. Le foin sèche doucement libérant dans la chaleur un effet croupi troublant. Les fleurs blanches, jasmin, ylang, tubéreuse, servent le lys qui défile entre le vert aqueux d’une naissance et le brun flétri organique prêt à mourir.
     Une pulsation cogne avec le labdanum, un musc salivaire corrompt un savon oublié, le corps fait monter la température et diffuse dans tout le box, … Et au milieu de tout ça, un tintement lointain, lancinant, un invisible voile entre narcisse, iris et violette, comme un courant d’air fantôme au milieu du vice.  
          
    Ce que je sens aujourd’hui est simplement plus lumineux et exalté, moins abrupt mais toujours de front… Une force lumineuse, avec ses failles, un rire fêlé pour un dernier galop...
     Je suis totalement impartiale, je l’aime ce parfum.





...Pour enfin se prélasser après la course folle.








(… Et juste parce j’ai envie de le dire depuis le temps que l’attente me crispe : le dernier truc qui bloquait depuis des semaines se débloque enfin, les étiquettes vont arriver bientôt… Tout devrait naturellement s’enchaîner donc… Si tout se passe bien… Mais pas demain !)



 

 

 

 




samedi 1 juin 2013

Motif d'absence!

     Il y a bien longtemps qu'un article n'est pas venu se poser ici... Mais voici mon mot d'excuse certifié grâce à un bout de vie illustré par Elodie
     Donc oui l'essentiel est le parfum.
     Tout ce qu'il y a autour on s'en moque... Seulement il faut bien le faire et j'ai donc navigué contre la montre pour : 





L'habillage des boites façon carton à chapeau ancien sortant d'un vieux magasin pour dame à la mode en 1900






Les nids douillets pour caler le flacon vintage histoire d'éviter le cheapissime papier de soie froissé




Le second opus du tableau inspiré des vapeurs de Lys Epona.







... Je reviens bientôt parler de l'essentiel : le jus et sa nouvelle facette inattendue... Juste le temps de reprendre forme humaine et contact avec le monde !!!




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lundi 6 mai 2013

Alchimie de la vase en vieil or


Chic nécessaire de voyage

   Je l’attendais avec impatience : après de longues semaines en macération voici Lys Epona en superbe bidon bleu. À vrai dire ça ne lui va absolument pas, mais il faut bien cela : pratique, hermétique et solide, il est fait pour garder le jus intact et il n’y a rien à demander de plus ! En fait il y a même deux bidons bleus : un lourd que j’ai interdiction d’ouvrir et un qui semble bien moins rempli, ce qui m'intrigue assez…
   C’est donc ce dernier que j’ouvre : une première bouffée envahie doucement le périmètre, c’est confortable, ça titille… J’approche le couvercle de mon nez et la bouffée devient plus franche et culottée, c’est osé, ça envoie… Je me penche finalement au dessus du bidon et j’en pleure… Oui, entre alcool et essence, les vapeurs ne demandent qu’à jaillir c’est logique, ça décape et cela ne sent presque rien tant l’assaut est brutal. Passé ce trouble momentané de l’intelligence je peux enfin déguster l’effluve tant attendue : Lys Epona est là.
   Mais pourquoi ce bidon ? Est-ce que c’est ma dose rien qu’à moi pour la vie ? Pour quelqu’un d’autre ? Y a il un problème avec le parfum ??? Et bien non : j’avais tant demandé comment se passait tout le processus que l’on me propose d'en explorer un bout par moi-même : ce bidon est du parfum mais il n’est ni filtré, ni glacé… Enjoy !

   Donc j’ai testé le jeu du petit chimiste avec ce liquide encore légèrement huileux et qu'il faut débarrasser de ses impuretés. Réfrigération, repos, filtration…
   En transvasant le liquide en surface dans un récipient transparent, en prenant soin de ne pas remuer le bidon, à première vue tout semble bien. La couleur est superbe, un vieil or lumineux, ce n’est pas l’objectif du parfum mais je suis vraiment heureuse de la découvrir, mes petites fioles d'essais ne rendaient pas son ampleur, le plaisir des yeux a aussi son importance, j’aime. Et au milieu de cette couleur rien ne semble troublé, le jus est limpide… Jusqu’à ce quelques heures de repos prouvent que les paillettes qui dansent dedans sont bel et bien des impuretés. Elles forment une sorte de petit nuage, une fumée dans le fond. C’était prévu mais j’y ai presque cru.
   Je dois donc prendre les armes : parfum en bouteille, bécher, entonnoir, bouteilles en verre et filtres… A café. Très simplement, et délicatement, verser le jus sur le fameux filtre et observer, goutte à goutte, le liquide révélant sa pureté, prêt à épouser son flacon, une sorte de magie, les oiseaux chantant mille louanges dans le ciel azuré...
  
Envie d'un fond de cuve?
   Puis il y a la version pour adulte où dès le départ la bande annonce n’est pas la même : dans le récipient contenant le jus à filtrer celui est... Glauque, et l’on pense plus têtards que rossignols. Bon. Je le verse très simplement et délicatement dans le filtre et il s’avère être de la bonne couleur finalement. Pourtant la bête est là. Il faut attendre d’arriver vers la fin du récipient pour apercevoir, bien tapie au fond, une sorte de vase totalement surprenante ! Alors bien sur je savais qu’il y avait des particules, du dépôt, etc... Si filtrage il y a je me doute que c’est pour une bonne raison. Mais pas à ce point. D’ailleurs le fond de pot n’est pas utilisable, il fait partie des pertes normales, on ne filtre pas la vase, la vase pue. Oui tout cela est normal et s’appelle haute dose de matières naturelles dans ce cas précis… J’ai en revanche échappé aux cristaux de la synthèse au moins.
   Mon regard passe du filtre sali au jus totalement pur sans cesser d’être étonné. Il faut maintenant encore le laisser reposer et vérifier si tout est bien limpide, dans le cas contraire : recommencer.
   Mais pour l’instant j’ai déjà quelques échantillons grâce à ce petit bidon test…


   Toutes ces manipulations n’ont pu éviter quelques éclaboussures et fuites, mes mains sont des Lys Epona ambulantes, sans doute mes vêtements aussi et je n’ai pu m’empêcher de passer ses mains sur ma nuque, mon cou, mes épaules, mes cheveux. Et je le redécouvre, un peu différent, d’infimes ajustements, il se peut qu’il soit plus beau …  




Le labo prend la pose, l'échantillon se remplit et finalement le flacon ne résiste pas au plaisir












jeudi 2 mai 2013

Mon nez dans l' Olfactorama 2012


 Samedi 27 avril enfin le choix de L'olfactorama 2012 s'est révélé. Des choix de passionnés, portés par les seules choses valables en matière de récompense : le cœur et le plaisir ! Comme il est bon de ne pas penser au risque de froisser Marie ou Claire et leurs nombreux amants payeurs. Comme il est bon de ne rien attendre et de vivre librement ses mots et ses goûts.
    Se retrouver à débattre autour des parfums nommés fut un vrai plaisir : recevoir un avis contraire et essayer de le comprendre, protester sans brusquer ou acquiescer sans lécher de bottes, j’ai aimé ! Un grand merci aux organisateurs pour leur invitation. 
    D’odeurs enivrantes en odeurs écœurantes, j’ai donc parcouru avec délices la sélection offerte et finalement le vote fut facile pour moi : j’aime ou je n’aime pas, et j’adore dire qu’un parfum est ignoble mais de belle facture, je suis une jurée parfaite !
    Alors brièvement, comme j’y ai pris goût, j’ai envie de donner un peu de mes impressions, de me rassembler ici :

-Dans la catégorie homme je fus presque déçue de ne pas retrouver le Mugler pour homme. Celui-ci ayant sa place dans ce fameux ignoble mais très bien fait dans son genre, avec en prime un parti pris et une histoire très bien restitués… Mais j’aurais détesté le voir gagnant évidemment. Déclaration d’un soir était mon favori, moi qui n’aime pas la rose, la maîtrise et la vision de Mathilde Laurent lui ont apporté une dimension unique avec un déroulé très facetté. Ravie.

-Dans la catégorie femme, j’ai découvert le vainqueur Shalimar Blablabla grâce à ce prix. Jamais je ne me serais penchée dessus sans lui, Shalimar Blabla étant un désastre l'appel du flanker du flanker n'avait trouvé aucun écho en moi !
Le reste me laisse assez indifférente, je note toutefois qu’une énième déclinaison se révèle plus intéressante qu’une reformulation qui en conserve pourtant le nom, merci First Machin aussi… J’ai voté Shalimar Blablabla : ravie.

-La virtuosité… Mais pourquoi diable cette catégorie regorge-t-elle de jus réellement beaux qu’il a fallut évincer ??? Mito vainqueur… Très beau Mito dont le départ me rend accro, j’ai envie de le boire, de me rouler dedans… Puis Véro Kern travaille avec une telle personnalité, c’est elle en bouteille, sans triche, lumineuse ou sombre. Mais il me rend accro façon crack ce Mito : passé 10 minutes je dois en reprendre sinon ça retombe, je n’aime plus ça, et je ressens comme un canard dans la partition…
   Virtuosité, si ce mot doit être pris seul il ne peut à mon sens être rapproché que de L’Heure Vertueuse, pas d’érotomanie déplacée, mais Mathilde Laurent est simplement une virtuose dans son art, que l’on aime ou pas (personnellement la Vertueuse ne parvient pas à me parler vraiment) elle cisèle les matières, rythme le ballet magistralement, pas de fausse note et en plus beaucoup d’émotion…
   Musc Tonkin, au-delà de son animalité tellement difficile et osée à traduire actuellement, jouant avec une humidité toute féminine, est aussi à mon sens plus à sa place ici que Mito.

-L’enthousiasme… MITO !!! C’est là qu’était ta place et mille fois j’aurais voté pour toi.
Mais ici rien n’était pour moi, rien ne m’a «enthousiasmée». J’ai simplement et mollement voté pour Bijou Romantique, une amie l’ayant porté avec grâce, sans qu’il m’incommode. Tous les autres ont fait du mal à mon petit estomac… Tant pis.

-Ambiance : et bien je n’aime pas la tubéreuse, elle a gagné, elle est fort belle c’est vrai, moins que le gardénia toutefois, et j’ai préféré tout simplement pétiller dans la tomate pour mon vote.

-Focus. J’avoue avoir eu un petit problème. Etait il question de mettre à l’honneur ce qui permettait une mise en lumière «grand public» sur le parfum ou bien s’agissait il de distinguer l’idée la plus réjouissante, intéressante ? L’officiel a gagné, c’est bien, la reconnaissance est une chose parfois importante. Mais les ateliers m’ont plus intéressée au final, j’ai changé au dernier moment mon vote. Toutefois je reste persuadée que Pierre Hermé jouant avec odeur et saveur fait bien plus se dandiner les foules…

…Cette soirée a été un régal, un moment d’échange entre passionnés, des découvertes, des redécouvertes, une honnêteté de tous les mots…

Sincèrement merci pour l’idée, merci pour l’organisation et merci pour l’expérience.


 
Un peu tartelette soit, mais c'est vintage !!! Revons donc à la prochaine édition...

mardi 23 avril 2013

Digression : Musk du Roy, Visconti

    A force de me parler de poney, j’ai eu envie d’une petite douceur…

    Le charme des fleurs, la rondeur d’un fruit, le réconfort d’un chocolat chaud, la pétulance d’un agrume, la magnifique société hygiéniste en flacon, bourrée de muscs lessiviels car il faut au moins sentir le propre à défaut de l’être vraiment… Voici exactement où nous ne sommes pas avec ce parfum !

    Il devient très rare de trouver dans la parfumerie actuelle des notes appelant plus le corps que la lessive, des notes flattant plus l’animal sexualisé que celles flattant l’animal socialisé. Lorsqu’elles sont présentées, elles se parent souvent de voiles séducteurs aux codes stéréotypés ou d’ambiances érotico estivales, mais plongent rarement la tête au cœur des fesses sans préliminaire !







Une marque qui recèle des choses parfois
radicales et bien fichues!
    Alors lorsqu’une niche plutôt obscure, voire totalement inventé au fin fond d’une cave ouzbek, s’offrant les services d’un reverso lituanien, lui-même sous traitant à un bushman très occupé, offre dans un coffret aux jolies coquilles, cette petite merveille, pas la peine d’en savoir plus, on sourit devant le surréalisme de la prose et l’on se vautre avec délice dans le jus bestial !

    Découvrir Musk du Roy au bouchon fait monter le rose aux joues et allume dans l’œil une interrogation troublée. Si l’on n’est pas outré par le propos, on le découvre à la vaporisation et l’on est alors propulsé devant un postérieur royal totalement impudique et triomphant, une couronne de jasmin en guise de Prince Albert sur l’autre face.

    Mais il n’est pas que ça…

    Le départ annonce déjà la couleur en effet, on ne nous ment pas sur l’histoire qui va suivre avec lui. Pourtant au milieu de ce qui se rapproche le plus d’une civette, une lumière pétille de vert crissant, de jasmins encore jeunes, de roses tendres, à peine mouillé d’angélique piquante, amère et rugueuse. Si l’on se prépare à l’orgie, traverser pour s’y rendre le petit jardin en jetant des coups d’œil à travers les bosquets est alors charmant.
    Puis très vite l’évolution du jasmin se radicalise, d’un vert légèrement aqueux il bascule vers son aspect indolique le plus poussé, de plus en plus ample, et la fleur prend une texture assez incroyable, dense et souple, très narcotique et toxique. La civette, très fécale au départ, commence à jouer avec des notes plus proches de la peau (enfin pas celle du front !) sans pour autant perdre de force, car arrive un autre ingrédient au fort potentiel : la cire ! Comme une patine qui se mêle à la peau, l’enveloppe, fait ressortir son odeur naturelle et en même temps l’imprègne de l’air trouble ambiant. Une cire animale, pas l’encaustique dont on frotte la maie détournée, mais bien celle, âpre et épicée, semblant suinter du cuir, de la peau…
    Ce jeu dure longtemps et c’est divin. Civette, cire et indole jouent au fond de la gorge en ronronnant, organiques. Et même si un fantôme, un peu épais et plastique, de fleur d'oranger semble venir rôder lascivement, il y a aussi un souffle décomplexé, lumineux et floral qui allège l’idée de sale et de luxure.

    D’ailleurs, doucement s’impose un bout de savon, un peu vieux, pas parfumé, un peu piquant, un savon que l’on avait totalement ignoré alors qu’il était là dès le départ. La fête s’éteint mais il reste des bouts d’odeur : sous lui on devine encore la peau, repue, toilettée vite fait, heureuse de ces moments singuliers.

    Alors oui ce Musk du Roy est radical. Sa construction relève-t-elle d’une facture grossière ou bien simplement d’un réel parti pris sans concession ? La fesse crottée ou bien le corps torride ? Si je ne peux m’empêcher de sentir à plein nez la civette fécale et être fascinée, je suis tout autant subjuguée par ces fleurs voluptueuses et ce savon frais.
   Musk du Roy est une liberté pleine de vie et non de vice.

mercredi 17 avril 2013

D'étiquettes en étiquettes

 
   Maintenant qu’elle est parée d’un flacon et d’une boîte Lys Epona a besoin de trouver une
étiquette. Et ce flacon semble un terrain de jeu propice aux multiples explorations avec ces 12 facettes !
   Tout est imaginable, du triangle aux coupes droites et franches du corps, à l’ovale orné

d’entrelacs du bouchon, tout prête à une débauche de possibilités. Suivre une pureté de ligne toute Art Déco ou sinuer dans les nouilles Art Nouveau.
   Entre affiches et sgraffites, je navigue un instant de Mucha à Van Dievoet, en passant par Prival-Livemont et Cauchie, ne résistant pas au détour par Beardsley… (Et bien sur, de Morris à Horta, Mackintosh à la Wiener Werkstätte, d’Hermeline à Olympia !)  
   

   Mais je reprends le fil et automatiquement me viennent à l’esprit ces vieilles étiquettes exubérantes, ornées de fleurs, de femmes, d’animaux, de motifs stylisés ou géométriques … Comme je les aime ces petits papiers pleins de richesses, foisonnants de vie, de couleur et qui se fichent éperdument de l’élégance indémodable d’une petite robe noire lorsque tu ne sais que porter au pince-fesses de monsieur le maire. Ces étiquettes, parfois un peu théâtrales et chargées il est vrai, ont au moins l’avantage de ne pas confondre mystère avec tirer la tronche…

   Papiers, feutres, aquarelles, encres, ciseaux, tout s’entasse et vole un peu partout au rythme des essais. Je fais beaucoup de choses, si géniales qu’elles en sont kitsch… En fait je m’amuse énormément, c’est assez joli, mais je sais au fond que cela ne convient pas à ce projet. Je pense que j’adhère tout de même au concept less is more finalement ! Et une fois n’est pas coutume, ce flacon est une pièce qu’il ne faut pas noyer à mon sens.

    Donc après moult projets foisonnants de détails je me recentre vers des formes plus épurées et légères. Je fais de même avec la couleur qui se réduit alors à un simple duo. Enfin, après avoir hésité et testé l’or pour l’ambre du jus et l’argent pour la blancheur du bouchon, je me décide pour le premier. L’effet de rappel de l’argent est vraiment beau, il mêle une raideur moderne à une sensation antique et fantomatique qui me plait beaucoup… Seulement Lys Epona n’est pas ainsi. Vieil or lumineux et patiné, c’est la synesthésie qui s’impose.

    Il est temps de jouer avec toutes les facettes du flacon et je ne m’en prive pas : chacune a maintenant son petit vêtement en 30 exemplaires, prêt à subir toute les idées qui me passent par la tête. Très vite seules 8 facettes reste en lice, hourra ! C’est horrible, beaucoup de choses me plaisent. Je m’attarde sur celles latérales, leur coté asymétrique est très séducteur. Mais un truc cloche… Voilà : cela me fait penser à une armure de samouraï !!! C’est très beau, mais alors cette image ne me sort plus de la tête et je n’en veux pas… Pourtant j’aime vraiment… Mais non, je ne vois que ça, c’est impossible. Et de toute façon à chaque fois que j’ôte une des étiquettes je constate que moins il y en a, plus ça me plait. Je pense que je vais tout doucement respecter le flacon, juste le souligner, je l’adore, un rien l’habille et c’est ce que j’aime.

    L’autre question qui pointe son nez est : mais que vont dire ces étiquettes ? Le nom bien sur, et donc une typo à imaginer. Mes yeux dévorent les livres d’art, de graphisme, ceux sur les parfums anciens, je glane et m’inspire, je prends un feutre et voilà c’est écrit, tout simplement… Enfin, une lettre m’a pourtant résisté, j’ai été incapable de faire exactement ce que voulais, rien à faire pour l’accorder parfaitement à l’ensemble. J’aurais pu prendre une typo toute faite, mais j’ai choisi de garder la mienne meme imparfaite. Je préfère un truc qui cloche un peu et me plait, qu’un truc qui va bien mieux mais copié… (Mais vraiment ça cloche, je crois que je vais m'y remettre et torturer une fois de plus ce E j'usqu'à ce qu'il me cède)
     

 

  Puis la question que j’ai évitée et qui m’a été posée plusieurs fois refait surface : mon nom sur l’étiquette. Je ne suis pas à l’aise avec ça. Pas de fausse pudeur, humilité ou autre, non, je suis fière et suis capable sans honte de crâner comme une petite fille en chantant sur tous les tons « c’est moi qui l’ai fait » ! Le coté autographe photocopié me dérange, clamer mon existence m’indiffère, et puis je trouve ça dingue de déposer un patronyme comme une marchandise.
   Non, il n’y aura pas mon nom sur les étiquettes, Lys Epona en majesté voilà qui est bien assez prétentieux comme ça.




lundi 15 avril 2013

Bouts de vie illustrés

Un petit tour de manège aujourd'hui : je vous emmène du coté de la palette magique d' Elodie qui a bien compris qu'un parfum ça sent bon, ça sent les fleurs et la princesse... Meme si tout le monde n'est pas d'accord !









Illustration :Elodie Lahaye