dimanche 22 septembre 2013

Digression : Acaciosa, Caron

La belle dame sans pitié (détail), Cowper 1926. Inspirée par le poème de Keats.

    ...Souvenir d'une journée d'août...
    Toujours ce temps qui me pousse vers des parfums qui n'ont pourtant rien de rafraîchissant, ce temps chaud qui révèle une opulence somptueuse lorsque l'on ose et que la main sait se faire légère.
    Hésitant régulièrement entre Chaldée, qui reviendra sur scène bientôt, et Acaciosa, qui a fait ses adieux il y a peu, qui, après vérification auprès de Caron suite au commentaire de Yohan (merci!), est simplement retiré de la distribution fontaine pour n'être proposé qu'à la demande sous forme d'un vapo remplissable (tant "que la production sera possible" selon mon interlocutrice),  je plonge ce soir dans le Caron... L'avidité décuplée par la (semi!) perte de ce trésor et le plaisir vainqueur face à un flacon plein de jus désirable.

    Son ouverture étincelle, un éclat de rire brillant, entre rondeur sensuelle et verdeur acidulée, une brassée de fleurs épanouies, lumineuse.
    Dès le départ Caron est là : rose, jasmin et fleur d'oranger en fer de lance miellé. Une rose presque baumée, un jasmin mûr sans âcreté, une fleur d'oranger sans rien de poupin ou alimentaire malgré une amande qui pointe (ce qui est rare pour mon esprit et mon nez !). Un accord solaire et plein, riche et dense.
    Au milieu la surprise est évidente et vous regarde comme une allumeuse : c'est une sorte de liqueur exotique qui coule au fond de la gorge, le sucre d'un fruit ultra mur qui conserve une pointe d'acidité, juste de quoi pétiller un peu et éviter le collant du nectar... Cette fameuse note ananas (que l'on retrouvera avec Colony de Patou quelques années plus tard) qui pourrait sembler un peu incongrue, ou en partance pour de lointaines destinations, est en fait superbement menée : c'est un rythme dans la fragrance, elle ne prend pas le pas dans la construction, elle ne donne pas de direction péremptoire... Juste une lumière.
    Et puis, si à tout hasard le vent voulait tourner vers la gourmandise d'une amande héliotropée bien présente, il y a une note verte, à la limite de l'aigre d'une herbe écrasée, qui corsète doucement l'ensemble l'empêchant de se vautrer dans les filets tendus de l'ambre.
    Mais avant que celui ci n'arrive, même si très tôt son ombre danse, il y a quelque chose qui me déroute : du mimosa ! Oui pour moi Acaciosa exprime le mimosa chaud, à point et saturé, loin du poudré duveteux gentil généralement exprimé. Du mimosa baigné dans un duo de miel acacia tilleul, soutenu par une fleur d'oranger un peu toxique, comme presque seul Caron a su faire. C'est un mimosa abstrait, reconstruit et imaginé dans une autre dimension, mais c'est un mimosa superbe, rayonnant, joyeux et sensuel. Pas de mimosa annoncé dans la pyramide, mais qui s'en soucie ? Un mimosa imaginaire, après tout qu'importe...

    -Je sais que le mimosa de Caron est Fanésiana... Celui ci est surtout un indigeste gâteau saturé de sucre, d'amande, de dragées, d'héliotrope. Un mimosa qui se goinfre un peu trop de petits fours au buffet et qui disparaît sous lui en moins de deux, une duchesse trop dodue qui glousse sous ses fards... Je brise là la digression dans la digression ! -

   L'évolution donne une jolie place au jasmin qui au départ était un peu trop proche de l'ylang. Là il joue sur un tableau plus élégant et sobre, il s'assombrit de mystère avec l'affirmation d'un ambre doux et un peu rêche, boisé. Grâce à ces deux aspects l'écueil d'une fin gourmande est évité : ce n'est pas un lit vanillé aux fruits collants mais la chaleur que la terre restitue au soleil couchant, la journée fut mimosa et orgie de miel, la nuit devient santal et ambre. La peau encore tiède, patinée garde des traces.

   Acaciosa, créé en 1929 par Ernest Daltroff est souvent rapproché de Joy de Patou, son cadet plus connu. Un généreux bouquet floral les unit certes, mais ce n'est pas assez je trouve. Si Acaciosa devait avoir une famille il resterait chez Caron et serait le fruit d'un Narcisse Noir rencontrant un Pois de Senteur... Et si vraiment Patou le tente et bien, sans doute mes envies du moment jouent elles, mais je le verrais bien plus au bras de Chaldée justement !










                              
 

2 commentaires:

  1. Bonsoir,
    Voici un bel article sur un parfum fort méconnu que j'aime beaucoup. Acaciosa est toujours vendu chez Caron au fait, tout comme Or et Noir et Alpona (Bellodgia a par contré été discontinué récemment à cause des normes IFRA). De quand date ton flacon ? Parce que je pense qu'il y a malheureusement, comme pour le grande majorité des Caron, une grande différence entre la version d'origine et celle vendue actuellement.
    Yohan

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  2. Bonjour Yohan!
    Merci pour ton commentaire, même s'il m'a fait bondir sur mon téléphone de bon matin ;-)
    J'ai donc eu Caron qui en effet ne discontinue pas Acasiosa mais coupe juste le robinet de la fontaine, en espérant qu'à terme cela ne signifie pas l'arret... A priori tant qu'on le demandera encore un peu ça ira!
    Quand à Bellodgia, adorant l'oeillet je l'ai bcp aimé... En vieux ! Même si l'edp n'était pas trop mal dans son genre...
    Bon, envie de se consoler avec Più Bellodgia? Que d'ailleurs je ne vois pas sur le site... Déjà arrété?

    J'ai deux versions d'Acaciosa, assez récentes toutes les deux : une qui doit etre début 90' et une qui a, à tout casser, 5ans. La première est un peu plus dense et miellée, l'autre moins riche et plus "sucre" que miel, et un poil moins jasmin. Mais elles sont très proches, je n'ai pas à raler trop cette fois.
    Le problème de Caron est d'avoir réduit la "Caronade" à l'équilibre subtil, à une sorte de patisserie indigeste... On est aujourd'hui engoncé dans une épaisseur flottarde et collante! La touche est devenue la louche.
    Mais j'aime toujours Caron!!!

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