mercredi 25 mai 2016

Olfactorama 2016 : Course contre la montre !

Harold Lloyd dans Safety Last (monte là-dessus en vf) 1923


 
        Cette année il va falloir être rapide et organisée : je viens juste de recevoir le kit de 28 parfums pour la découverte en aveugle de la sélection Olfactorama 2016... Nous sommes le 25 mai et je dois donc rendre ma copie au plus tard le 6 juin ! Autant dire qu'avec ma vie sublimement bien remplie (ou à cause de mon organisation désastreuse peut être...) cela va être une véritable gageure.  Mais c'est aussi excitant je dois l'avouer, et je suis donc directement dans les starting block, prête à dégainer les mouillettes et à donner de ma peau pour la cause olfactive.



                                                                       Et voici ce qui va faire courir mon nez :




     Une fois n'est pas coutume, je vais me ruer sur ce qui brille et qui porte la mention "ouvrir pour sentir" car c'est une invitation qui ne se refuse pas ! Et puis dans le même set il y a aussi ces deux petits pots, l'un rempli de blanc, l'autre de noir et cela m'intrigue tout autant... Sans oublier un échantillon liquide qui se balade tout esseulé.
     Hop mon nez entre dans la course avec la catégorie estampillée A pour :

ATMOSPHÈRE :

A1 : Ha ! Non, non, non ! Ça ne va pas du tout ça...  Et en plus c'est le liquide à vaporiser ! Alors que je sentais des volutes de cumin émaner du kit tout entier, je tombe en premier sur celui qui n'est que petites fleurs typiques d'une bombe désodorisante alliant rose, muguet fraîcheur du jardin des lilas perdus... C'est fort désagréable, je ne vais pas au delà des premières secondes !!! (flûte, je passe peut être à coté d'un truc, mais ça pique trop...)

A2 : Le pot blanc... Voilà qui me calme car c'est tout confortable. Douceur floral poudrée, pointe fruitée acidulée ( à peine en fait, peut être pas du tout !). Oui c'est agréable. Mais j'ai un peu de mal à le sentir correctement dans cette présentation il me semble, ou alors il est très tamisé à froid. Il y a une légère sensation anis/réglisse réchauffée qui me plait mais il semble qu'un gourmand caramélisé plane sur l'affaire et cela m’écœure finalement.

A3 : Alors là je ne peux pas dire qu'il est tamisé celui ci (c'est un des papiers qui brillent)... Il envoie tant d'ailleurs que j'ai un peu de mal à tout déterminer pour un premier temps. Dans des codes très masculins il envoie valser la fougère sur du bois brûlé au relent de zan cuiré (la réglisse aurait-elle contaminée le pot blanc ? Je m’interroge presque...) J'aime énormément l'effet brutal cramé, mais j'ai du mal avec le nuage "Brut de papa".

A4 : Haaaaaaaaaa ! J'ai le droit de le manger ce truc du pot noir ? J'adore. C'est de la feuille et du fruit sur buisson avec le souvenir d'une cheminée lors d'une autre saison. Mais c'est aussi toute la sève et les résines qui se dressent, fraîcheur dehors et chaleur dedans... En fait c'est étrange je suis entre buisson et sapin. Peu importe j'aime vraiment cette odeur

A5 : L'autre papier qui brille... C'était donc lui qui embaumait le cumin ! Ça dépote grave. Je suis conviée à un barbecue saturé d'épices, le bois brûle, et je me vautre allègrement dans le cumin donc, romarin, coriandre, poivre sauvage de Madagascar et autres délices... En fait il y en a tant que je ne sais plus. Ça sent très bon, avec un bémol sur le nuage masculin (encore lui) qui l'entoure, mais c'est du couillu bienvenu tout de même.



   
     Enchaînement arbitraire avec... U. Quand il faut choisir parfois il n'y a aucun risque à laisser faire le hasard. Alors je pioche et je dois dire que ça me va de passer par lui avant de faire dans le clivage masculin/féminin. Donc U comme Universel, Unisexe ou encore comme :

MIXTE : 

U1 : Métal et levure. L'ouverture me picote un peu façon détergent à la rose pour silo céréalier crotteux perdu au fond des bois. Mauvaise pioche, je ne trouve rien à dire pour ce premier parfum !

U2 : Du vert pour la fraîcheur et du "bonbon anglais" pour se retrouver dans le cabinet du dentiste ?!? Une chose intrigante et très réussie dedans. Oui, donc en fait, je viens de réaliser que je l'ai... Mais il m'a fallu du temps ! Étrangement ce n'est qu'à l'évolution que j'ai compris. Sa dualité jeunesse/vieillesse m'évoque indéniablement une douce Baby Jane, c'est une référence parfaite!

U3 : Bien... Je crois que je l'ai aussi ! Du bien être vivifiant et confortable, un sourire de satisfaction en se délassant ou un coup de fouet pour se mettre en route, tout n'est que choix. Grand écart joliment assuré et maîtrisé, c'est l'art de la simplicité en toute efficacité.

U4 : J'ai cru l'avoir, mais non, pas cette fois même si je le connais. Joli mais non, pas autant qu'un autre. Certainement parce que cette note qui décline le tableau n'est pas ma came. J'oscille entre une journée à l'école primaire et une au lit en pilou. N'aimant ni les socquettes ni les pyjamas, je passe mon tour sur sa joliesse.

U5 : Je pense être prise dans une boucle olfactive spatio-temporelle entre le 2, le 4 et ce 5... Et c'est grave car cela veut dire que je ne reconnais peut être même pas un parfums que je viens d'acheter. J'hésite entre deux (que j'ai bien sur et qui n'ont absolument pas le même prix). Je suis vexée et ne dirai donc plus rien le concernant. Et non je ne bondirai pas sur mes flacons afin d'en avoir le cœur net et faire ma crâneuse en effaçant tout ça... Enfin c'est tentant quand même...
        Surtout lorsque, à force de m'auto-seriner le nom de cette note qui m'étonne dans la compo, je finis par trouver ce que c'est ! Et bien sur ce n'est pas l'une de mes hésitations, mais un troisième parfum, que j'ai également...Très beau.

 

   
     Et maintenant où aller ? Le V me semble un bon choix avant d'être saturée. Ce qui ne risque pas d'arriver parce que je ne compte pas sentir tous les sets en une seule fois, mais il fallait bien une excuse pour terminer ma journée avec celui ci :

VIRTUOSITÉ : 

V1 : Voilà donc, nous y sommes, directement sans prévenir... Démasqué dès la première inspiration, je dirai simplement que j'hésite entre un séjour dans un lupanar de Gomorrhe et celui dans le service gastro-entérologie à l’hôpital de Hard-Sur-Yvette...

V2 : ... La catin et la médecin ont remis leurs fards sur les restes de leur métier respectif et je les en remercie. Même si la pointe gourmande me tourne un peu l'estomac aujourd'hui alors que, le connaissant, il ne me fait pas vraiment ça normalement...

V3 : Revenons aux classiques faisant fi de tout stupre : il n'y a pas à dire, c'est beau. Une superbe élégance aux traits surannés de Dandy hors du temps, le regard goguenard évitant tout effet vieillot. Exercice d'écriture parfaite, rien ne dépasse et... Rien ne se passe.

V4 : Malgré ce soupçon osé et addictif levant sous le torchon chaud et humide, il me fait définitivement poindre une nausée métallique. L'idée est si intéressante pourtant. C'est agaçant, un peu comme le maïs dans une salade, on se dit que ce serait parfait sans.

V5 : Je me pensais forte à tous les reconnaître mais là non... Ou bien le doute m'étreint et je le confonds avec V3 qui ne sent pas du tout pareil ! Non, impossible. Mais d'une autre façon : rien à dire, un beau classique sans doute.




       Ce premier pas s'est révélé très intéressant : c'est fou comme l'aveugle peut torturer le nez. Il se contorsionne, entre souvenir et savoir, émotion et raison. Tourner en bourrique et déguster le moment vont de pair dans cet exercice !
       L'horloge tourne. Je prends quand même le temps de mettre mon nez au vert après toutes ces découvertes et de savourer l'idée de bientôt déguster la prochaine fournée et je m'y remets !




Addenda :
Voici les noms des parfums qui ont été testés en aveugle

A1 : Dans mon lit, Malle
A2 : Kaolin, Iunx
A3 : Dark Galleon, Arquiste
A4 : Surreau Noir, Iunx
A5 : Marché aux épices, Diptyque.

U1 : Eau parfumée au thé noir, Bulgari
U2 : Infusion d'oeillet Prada
U3 : Eau de Cartier vetiver bleu, Cartier
U4 : Infusion d'amande, Prada
U5 : Eau parfumée au thé bleu, Bulgari

V1 : The Night, Malle
V2 : Misia, Chanel
V3 : Cologne indélébile, Malle
V4 : L'heure Perdue, Cartier
V5 : Chyprissime, Mugler

   

vendredi 13 mai 2016

Autour du parfum : Création d'un semainier pour décants!




     
       Depuis un petit moment une idée me trottait en  tête...


      Chez moi, comme chez beaucoup de passionnés j'imagine, on trouve des tas de petits vapos en plastique, tout bêtes et pas franchement folichons mais qui pourtant renferment de précieux élixirs : les décants. Qu'ils soient juste pour le temps d'une découverte, le temps d'un printemps ou pour le parfum de toujours, ils sont en nombre, classés ou entassés, rangés ou se promenant un peu partout.
Je les gère selon l'humeur, à ma façon et tout va bien ainsi !

      Seulement je commençais à trouver cela un peu agaçant et tristounet, lorsque je partais faire le tour du monde ( bon, 3 jours à la campagne soit, mais c'est pareil !) de les fourrer dans un truc pas réellement adapté et pas forcément à mon gout. Parce que oui, il faut bien le dire, nous sommes un peu braques et personne n'a rien prévu pour nos indispensables décants adorés !!!
     Alors j'ai eu envie de mettre un peu de luxe dans tout ça et de pouvoir les trimbaler un peu partout sans pour autant qu'ils se perdent au fin fond d’un sac ou soient en vrac dans une trousse, aussi jolie soit elle.
     Donc je m’y suis mise et hop : de mes blanches mains j’ai imaginé et créé un «semainier nomade» tout ajusté au dimension des décants 8ml. Pourquoi semainier ? Parce que partir quelques jours au loin nécessite bien une belle provision de jus parfumés et donc 7 jours/7 parfums, même pour un weekend, c’est un bon chiffre !
     Les voilà donc bien calés dans une pochette 100% coton, en «grosse toile» toute simple recouverte de tissus japonais glanés ici et là... Chaque étui est unique, si le tissus peut parfois être le même, les motifs ne sont jamais placés au même endroit et la couleur de la toile change au gré de l’inspiration, des envies. C’est du vrai sur mesure pour parfumistas en somme ! Ils ont une petite poche intérieure pour y glisser... Ce que vous voulez en fait, moi je glisse juste un petit lien pour le maintenir bien fermé lors du transport!

      De mon coté j’ai enfin fini mon  trousseau (ça prends des heures à faire ces petites bêtes, et ça donne des ampoules sur le bout des doigts parce que je n’aime pas coudre avec un dé ! ) et maintenant qu’il m’en reste certains et que j’ai de quoi en faire d’autres, si jamais ils vous plaisent vous pouvez passer commande, je vends !



   

    ... Et en fait ils n'ont même pas besoin de voyager pour être heureux ces porte décants nomades : ils adorent tout autant rester à la maison !









         
                    ...Variation sur le même thème...






                 
... Et enfin le petit effet poche interieur :




        ...Bon, tout cela est artisanal, il ne faut pas s’attendre à des finitions Chanel (ou alors Chanel made in Bangladesh!), ils ont parfois des coutures coquettement un poil de travers (mais contrairement à ce que peuvent laisser croire les photos l'ensemble, lui, est bien droit ! )...  Les couleurs sont un peu biaisées, mais rien d'important.
          Voilà : couleur et tissus, les combinaisons sont prêtes à se faire épingler selon vos envies ! J'ai même des tissus sans fleurs ;-)


mardi 10 mai 2016

Digression : Les Sautes d'Humeur, L'artisan parfumeur

   


        En 1998 L'Artisan Parfumeur, outre le beau Navégar, sort un bien joli coffret tout de satin rouge vêtu, renfermant cinq petits flacons de 15 ml : Les Sautes d'Humeur. Une sorte de petite boîte à malice dans laquelle choisir son compagnon parfumé selon... L'humeur du moment donc. C'est Olivia Giacobetti qui se trouve à la composition, nous peingnant un polyptyque olfactif entre douceur et ardeur, joie et mélancolie, sans oublier le panneau gentiment rageur.
       
         Le point commun entre ces cinq opus réside dans cette façon limpide et poétique de faire vivre des émotions sans jamais les jeter au visage, sans céder à la facilité d'une mode provocatrice et pseudo arty, qui tend à la caricature façon "en voilà pour ton argent" ( Serais-je en train de penser aux Explosions d'émotions de 2013, resucée peu excitante de la même maison ? ). C'est expressif, fort et délicat sans être tape à l’œil. L'histoire de chacune est maîtrisée, L'Artisan Parfumeur a donné son cahier des charges et il est totalement respecté.
         Certaines de ses humeurs se retrouveront d'ailleurs plus tard, désossées, charpentées ou réécrites dans d'autres compositions d'Olivia, au sein de L'Artisan Parfumeur, chez Iunx, ailleurs. Comme si la parfumeuse reprenait sa palette, peut être un peu frustrée de ne pas avoir été maîtresse en son temps, ou simplement jouant les variations d'une partition qu'elle aime et peaufine à l'infini... Mais j'extrapole totalement en fait !
       
        Le jeu marketing nous disait alors que ces cinq fragrances avaient été pensées afin de pouvoir allègrement se mêler, se superposer sans honte, et ainsi dérouler tout le fil de nos émotions au cours de la journée ( la soirée, la nuit... Point d'heure pour les braves c'est entendu ! )
           Au final ces Sautes d'Humeur s'avèrent être bien jolies et certaines sont même terriblement prenantes, surprenantes, addictives.
     

          Voici donc comment se déclinent, selon le petit livret du coffret, ces cinq humeurs mises à l'honneur pour L'Artisan Parfumeur par Olivia Giacobetti :



D'Humeur jalouse : " Un parfum vert. Vert de jalousie. Vert comme une plante vénéneuse. Amer comme un poison. Celui qui empoisonne le sang de la jalousie, celui qu'elle rêve de faire boire à ses rivales, réelles ou imaginaires. Suave comme l'amande du noyau de l'abricot : amande cyanurée, mais si délicieuse dans la confiture qu'on n'y résiste pas...
   Une bonne raison de le porter : il contient le poison et son antidote. L'amer qui éloigne et le suave qui retient. Deux notes contradictoires vibrant dans ce parfum comme l'amour et la haine dans le cœur de la jalouse. "

D'Humeur à rire : " Un parfum rose. Comme le rose qui monte aux joues quand le fou rire vous prend. Rose vif. Comme un malabar, comme les rayures des bonbons anglais. Comme les ongles peints quand on a douze ans. Gai comme un tour à la fête foraine. Acidulé comme l'odeur de la pâte à ballon malaxée entre les doigts. Claquant comme une bulle de chewing gum sur le nez de son voisin.
    Une bonne raison de le porter : pour éclater de rire, parce que la bonne humeur c'est contagieux. Pour faire des facéties, des blagues idiotes et laisser libre cours à sa fantaisie. "

D'Humeur à rien : " Un parfum gris. Comme grise mine et ciel d'automne. Humide comme une maison qu'on ouvre et la bouffée de nostalgie qui vous submerge soudain. Silencieux comme une retraite volontaire à l'écart du monde. Rafraîchissant comme l'église où l'on se glisse un jour de chaleur accablante. Pénétrant comme les vapeurs d'encens qui vous entraînent à la contemplation.
    Une bonne raison de le porter : avoir envie de rester en tête à tête avec soi même, de prolonger encore un peu cette mélancolie qui se laisse apprivoiser et vous rend un rien mystique. "

D'Humeur massacrante : " Un parfum rouge. Comme voir rouge. Brûlant comme le feu. Énervant comme trop de café. Piquant comme la moutarde qui monte au nez. Soufré comme l'allumette qui craque. Et la flamme qui part dans un éclair... Comme une colère !
    Une bonne raison de le porter : le vaporiser, c'est comme casser une pile d'assiettes. Une façon d'exprimer sa colère et en même temps de s'en libérer. Une colère qui s'envole en particules odorantes, c'est tellement léger à porter ! "

D'Humeur rêveuse : " Un parfum Bleu. Comme l'infini où s'égare les rêveries. Moelleux comme le lit aux draps métis fraîchement lavés et séchés au soleil. Où l'on s'abandonne à la somnolence de la sieste, l'esprit vagabondant entre veille et sommeil.Tendre comme le brise agitant mollement le rideau de lin blanc et apportant dans la chambre obscure les parfums de campagne. Frais comme un verre d'eau de fleur d'oranger posé tout près de l'oreiller.
    Une bonne raison de le porter : faire, pour une fois, l'éloge de la paresse, et ne pas se laisser tout à fait réveiller par l'agitation alentour. "



                                             Il n'y a plus qu'à trouver de quelle humeur je serai lors du prochain billet !