lundi 29 décembre 2014

Digression : L' Heure convoitée et L' Heure Folle, Cartier

     Au fil des Heures de Parfum s'écoulent de jolies choses. Si mon amour total va à La Promise , mon amour volage à La Fougueuse, celui plus léger d'une tendre amitié va de II L'Heure Convoitée, qui me ressemble à peine, à X L' Heure Folle, qui me plait facilement.
      Alors puisque j'aime parfois les déguisements et les plaisirs simples, ces "petites heures" taillées de nez de maître je les ai finalement adoptées elles aussi...




II L' Heure Convoitée : 

      Une bouche charnue peinte de rouge. La pomme craque et garde la marque cosmétique sur sa peau verte et cireuse. Sous les fards, un rire juvénile. Puis c'est l'entrée en scène : froufrou splendide de l’œillet modernisé qui crépite en éclatant des pépins de fraise sous ses talons aiguilles. Ça colle un peu de rhubarbe trop cuite. Étonnante rencontre entre femme fatale cocottant outrageusement de poudre épicée et jeunesse mutine biberonnant son lait fraise. Pourtant c'est doux, aéré, équilibré. Les deux femmes, en parfaite symbiose, tissent une trame subtile, loin de leurs codes. Le temps passe et la jeunesse se patine. Le rouge s'assombrit, iris et rose flottent. Un parquet ciré déroule les pas lactés d'un santal fantôme et résonne enfin du clou de girofle tenu doucement par une laisse infime et veloutée de cannelle. Un coussin, une morsure, un spectacle sous les néons qui finit dans une alcôve où l'on voudrait voir une fumée d'encens ambré. Mais un petit savon nettoie, tout en tendresse, cette idée finalement...

       Révisé, l’œillet d'antan en majesté (vieille poule que j'adore !)  regorge de vie et de modernité sans rien renier de la femme fatale et piquante qu'il sait être. La séduction pétille et ronronne.




X L' Heure Folle :

       Vivacité éclatante d'un tourbillon fusant, pétillant et grisant de bonne humeur. Au milieu des verveines citronnées, à l'ombre des lavandes, les buissons regorgent de groseilles déjà rouges, de framboises encore vertes. Le paysage défile le long d'un chemin sauvage parsemé de minuscules violettes. Les fruits rouges et acidulés deviennent noirs et denses, fièrement provocants au milieu des ronces folles agrémentées de roses. Alors la main froisse des feuilles, s'accrochant leur fraîcheur diffuse. Enfin le festin de myrtilles, de mûres, de cassis est à portée de bouche. Une rondeur un peu âpre émerge, sans le moindre sucre. Mais indéniablement le fruit mûrit. L'herbe près du lierre devient un peu plus grasse, une esquisse cireuse, les baies encore plus sombres. Au loin, la haie de buis diffuse dans l'air tiède son odeur au boisé vert et ammoniaqué, une réponse aux bourgeons de cassis sans doute arrachés lors de la razzia. Le soir tombant, l'idée d'un voile musqué dessine enfin la femme derrière le buisson, tout s'arrondit tendrement...

       Loin des codes rouges et sirupeux ordinaires, ces fruits servis à même le buisson sont un régal sauvage. Le parfum raide d'une course bucolique qui s'apaise dans la nuit chaude.







      Ces deux heures ci sont celles du "de temps en temps"... Quand mes envies d’œillet ne souffrent plus mes vieux vintages, quand mon Eau de mure de Maître Parfumeur et Gantier se fait trop sexuelle (oui, cela parait étrange j'imagine bien, mais j'en parlerai sans doute un jour...), alors je me tourne vers elles et je les porte ainsi juste "de temps en temps".  Et toujours, le plaisir de les redécouvrir me fait dire "tu devrais y penser plus souvent" !
      Mais il y a encore d'autres heures auxquelles penser...





mercredi 24 décembre 2014

Digression : L' Heure Promise et L' Heure Fougueuse, Cartier.

 
     Chez Cartier les Heures sortent sans se soucier de l’horloge, au gré de l’inspiration de Mathilde Laurent. Tableaux lumineux ou sombres, pétillants, vibrants, charnels, farouches et poétiques, elles sont de véritables trésors.
      Mes aimées sont de dentelle ou de cuir, ciselées ou martelées, elles sont chères à mon nez, à ma peau, à mon portefeuille...



  I, L'Heure promise : 

      Un éclat vert parsemé de poussière argentée, une fulgurance violette autour de laquelle s'enroule
des volutes brunes. La douceur est écartelée, explosée. Elle est présente mais brisée en mille éclats par la fraîche raideur princière de l'iris. Pourtant ce n'est pas un iris rêche ou terreux, il reste âpre et un peu amer même, gorgé de givre, limpide. L'odeur s'assèche. Une condensation en forme de bâton de rouge à lèvre au fond d'un sac glacé prend forme. Un savon craquelé s'émiette, poudre s'insinuant dans chaque recoin. Et puis le santal. Comme une fumée d'encens découvrant un autre paysage. Ça se réchauffe, oscillant de plus en plus entre rondeur baumée, musquée et sécheresse âcre. Rigide mais généreux. Vapeur de santal et poudre d'iris ourlées d'une douce acidité toute féminine, c'est une déesse aux huit bras qui se dresse, enveloppante et intransigeante, esquissant un orgueil charnel à qui peux la voir...

     Celle qui s'est imposée comme une évidence, un coup de foudre olfactif. Un sillage sublime, une tenue magistrale. L'Heure des anges ? Absolument pas pour moi... Douce et tendre ? Toujours pas...



  IV, L'Heure Fougueuse : 

    Le souffle fraîchement anisé d'une chevauchée entre pampa et steppe sous un soleil qui ne chauffe pas. La chaleur c'est le corps, celui d'un étalon épris de liberté. C'est aussi le maté, préparé sous le boisé du chêne. Tiédi par le vent avant même qu'il ne coule, un peu rugueux, au fond de la gorge. Un confort spartiate plus grisant que tous les moelleux du monde. L'immensité des paysages miroite entre vert tendre et paille brunie. L'étendue est sauvage. Pourtant elle a l'assurance calme et bienveillante. C'est le moment où la peau rudoyée s'apaise. Le floral blanc jauni qui dansait avec l'herbe doré se patine d'accent presque gras. Un cuir vivant qui ne pousse pas dans une tannerie. C'est une animalité tendre, au grand air. Rien de sale, juste du foin qui s'accroche au crin, de la peau qui a palpité... Tout est limpide et à perte de vue, sans entrave. Un paysage, un animal totem, une communion.

    Véritable coup de cœur dès sa sortie en 2010. Une vision de l'animal qui ne cède pas au fécal, au sexuel ou au simple fumet cuiré... Toute en nuance sans perdre de caractère.








    ... Il y en a d'autres que j'aime. C'est d'ailleurs assez étrange car sur les dix que compte actuellement la collection, seule une me déplaît franchement : VIII, L'Heure Diaphane. Elle marche très bien parait il... Vraiment ? Les gens aiment donc l'odeur des toilettes de luxe toutes propres, récurées de frais...
    Mais peu importe après tout puisqu'il y a :  X L'heure Folle et son buisson de mures, XII L'Heure mystérieuse et son encens nimbé d'étrange jasmin, XIII La treizième et son cuir fumé rude et pourtant délicat, II L'Heure Convoitée et son œillet éclatant des pépins de fraise , VII L'Heure Défendue et ses fèves de cacao foulées aux pieds...