1924. Les années folles, où les garçonnes côtoient encore les vestiges d'une autre époque. Lignes art déco, graphiques, le corps de la femme n'est plus surligné ni entravé, le tissu tombe même abruptement sur les formes, dissimulant la sirène immobile d'antan, la mode remodèle et parfois une austérité informe plane... Pourtant le moindre mouvement, un courant d'air, fait onduler le corps sous les tissus, les matières épousent là où les coupes tentent d'effacer, les décolletés sont bel et bien plongeants et Hollywood n'a pas encore glacé le sang de ses actrices... Ce n'est plus le corps immobile que l'on expose, c'est son mouvement. Joséphine Baker se dévoile sur les planches et les femmes font de même dans les rues de Paris. My Sin créé en 1924.
Le savon est sec, fendillé. Le jasmin indolique, mais avec une pointe verte. La rose rouge, mais pas centrale. L'iris rêche, mais cosmétique. Cet ensemble, qui danse dans son vieux savon, est parsemé de clous de girofle piquants sans etre envahissants. Une acidité verte de muguet, tamisée par une sorte de foin jeune et un peu âpre, ajuste ce qui pourrait n'être qu'un simple "gros bouquet". Cette balance est saisissante.
Et au milieu une pulsation met à jour une animalité terriblement racée et sure d'elle. Rien de tapageur. Pas de cul arrogant et facile, pas d'exhibition. Juste un geyser de civette aux creux des reins, une avalanche de muscs le long de la nuque, une brume de styrax dans les cheveux... Une évidence.
My Sin devient chaud, le propre et le talc fusant tournent au moite légèrement chloré, épicé. C'est la peau qui prend alors le pas, elle exsude entre bois et cire, sans tuer les fleurs pour autant, elle se corse. Une idée un peu "terreuse après la pluie en sous bois" apparaît, elle se fond vite dans une fumée ambrée confortable, le baume tolu tout en finesse. Un fantasme de santal et d'encens s'ancre dans le sébum.
Son élégance à l'étincelle brulante est chargée d'un érotisme qui joue la maîtrise comme une perversion avec, au final, un abandon lascif dans les fourrures.