jeudi 20 juin 2013

Digression : My Sin, Lanvin

    Avec un temps aléatoire où il fait nuit à 11h et 30° à 23h, où le ciel est d'une humidité diluvienne et colle à la peau, mes envies se limitent à Chaldée, Musk du Roy, Onda et Acaciosa, toutes en légèreté donc... Mais aujourd'hui je n'ai pas résisté à My Sin. Ou plutôt Mon Péché, car mon vieil extrait porte le nom français.

1924. Les années folles, où les garçonnes côtoient encore les vestiges d'une autre époque. Lignes art déco, graphiques, le corps de la femme n'est plus surligné ni entravé, le tissu tombe même abruptement sur les formes, dissimulant la sirène immobile d'antan, la mode remodèle et parfois une austérité informe plane... Pourtant le moindre mouvement, un courant d'air, fait onduler le corps sous les tissus, les matières épousent là où les coupes tentent d'effacer, les décolletés sont bel et bien plongeants et Hollywood n'a pas encore glacé le sang de ses actrices... Ce n'est plus le corps immobile que l'on expose, c'est son mouvement. Joséphine Baker se dévoile sur les planches et les femmes font de même dans les rues de Paris. My Sin créé en 1924.

    Son ouverture en volée aldéhydée ultra savonneuse est un leurre... Une propreté lumineuse clamée pour être mieux descendue sous le joug d'un bouquet capiteux et toxique. Des fleurs épanouies pour faire jaillir une peau animale.
     Le savon est sec, fendillé. Le jasmin indolique, mais avec une pointe verte. La rose rouge, mais pas centrale. L'iris rêche, mais cosmétique. Cet ensemble, qui danse dans son vieux savon, est parsemé de clous de girofle piquants sans etre envahissants. Une acidité verte de muguet, tamisée par une sorte de foin jeune et un peu âpre, ajuste ce qui pourrait n'être qu'un simple "gros bouquet". Cette balance est saisissante.
    Et au milieu une pulsation met à jour une animalité terriblement racée et sure d'elle. Rien de tapageur. Pas de cul arrogant et facile, pas d'exhibition. Juste un geyser de civette aux creux des reins, une avalanche de muscs le long de la nuque, une brume de styrax dans les cheveux... Une évidence.
    My Sin devient chaud, le propre et le talc fusant tournent au moite légèrement chloré, épicé. C'est la peau qui prend alors le pas, elle exsude entre bois et cire, sans tuer les fleurs pour autant, elle se corse. Une idée un peu "terreuse après la pluie en sous bois" apparaît, elle se fond vite dans une fumée ambrée confortable, le baume tolu tout en finesse. Un fantasme de santal et d'encens s'ancre dans le sébum.
    Son élégance à l'étincelle brulante est chargée d'un érotisme qui joue la maîtrise comme une perversion avec, au final, un abandon lascif dans les fourrures.
 

   
Myrna Loy
  




















vendredi 14 juin 2013

Du sortilège de l'eau

Lys Epona a donc un brin changé et j'aime cette lumière qui n'a rien de solaire, juste radieuse... Mais quelle magie a bien pu opérer ? Quel charme y a t il là-dessous ?
La formule tient en quelques mots :

Circe Invidiosa, Waterhouse 1892
   Le parfum est deux trois choses entre nature, synthétique, alcool et eau. Et ma part d'inconnu est là, toute simple. Celle qui s'est immiscée dans le jus afin de lui donner un lustre, une matière, une fluidité qui était imprévisible, est juste de l'eau. Alors ce changement -Ho ! Pas grand chose, pas d'ouragan, un simple battement d'ailes de hibou en fait- je dois avouer que j'avais été prévenue qu'il rodait :
   Lors d'une rencontre, Vincent Micotti des parfums Ys Uzac me glissa cet augure : "ton parfum grâce à l'eau sera lié "... Bon, il n'a sans doute pas dit cela ainsi mais la substance du propos me semble correcte, voire intacte ! Je lui faisais découvrir la fiole test de Lys Epona et pour lui deux choses ressortaient : le caractère naturel des matières et celui chaotique de sa présentation. Et c'est sur ce chaos (que j'aime/assume/soutiens ... !!! ) que l'information déboula : on met de l'eau dans le parfum, on va mettre de l'eau dans mon parfum...
  La macération paye sa part aux anges d'une légère évaporation. Pour retrouver le volume initial l'eau coule doucement et la balance est rétablie. Si pour moi mettre de l'eau dans du parfum se résumait à le rendre trouble, au sens concret, pour lui cela était un liant avec lequel il fallait jouer, un subtil ingrédient à part entière.
   Cela m'a terriblement stressée de savoir que cette opération se ferait sans moi, que je ne pourrais rien controler et que mon parfum en sortirait surement changé. Je ne voulais pas de ce changement et j'ai donc mis sous clef l'information en maugréant que je comptais bien rester Team Vader et certainement pas passer Team Ewok !!!

  
  Voilà donc la chose toute simple qui s'est produite, une goutte d'eau a relevé la potion sans en changer le pouvoir, une jolie surprise !

mercredi 5 juin 2013

Le Trouble et la lumière

      Lorsque j’ai mis le nez pour la première fois dans les effluves finales de Lys Epona un détail olfactif s’est accroché à mon esprit d’une façon assez particulière : c’était bien mon parfum, celui choisi parmi les trois dernières versions, mais il y avait quelque chose de particulier, un infime détail, flagrant en réalité. Je l’ai totalement occulté dans un premier temps. Le parfum était là, j’étais excitée, je le voulais et j’ai fermé le nez sur cette sensation.
      Mais pourtant chaque fois c’était comme une différence de lumière, une voix imperceptiblement modulée, le même rôle, le même texte, mais d'une humeur différente. 

      Pendant quelques temps j’ai nié cette évidence. Par une sorte d’humilité bien étrange j’ai mis cela sur le compte de mon nez et du fait que l’on ne pouvait pas avoir l’outrecuidance de me donner autre chose que ce qui était prévu (oui c’est moins humble, là, maintenant…). Puis j’ai eu peur de réaliser que ce n’était pas ce que je voulais si d’aventure je me laissais aller à suivre mes impressions et plongeais dans la décortication du jus. J’ai donc joyeusement adopté la bête et coupé la tête à toute question !


Il y a un moment où il faut plonger...


  
   Toutefois les questions sont têtues et trouvent toujours moyen de surgir.
  « Il est plus homogène/fluide/ harmonieux/fondu que celui d’avant » ainsi parlèrent certains cobayes des plus affinés. « Mais C’EST celui d’avant » pestai-je !!! Bref, après plusieurs remarques de ce type je ne pouvais plus simuler, je me jetai dans l'étude et plongeai dans un nouveau bain…




     J’ai alors laissé toutes les impressions m’envahir. Comme si le parfum éclatait en moi, juste être transportée dans ses couleurs, ses textures, sa musique, son univers… Observer l'oeil du cyclone et se laisser happer. J’ai savouré l'instant d'une nouvelle découverte.


   
    Les différences sont bien là oui. Mais comme un révélateur. Les heurts que j’aimais tant par leurs aspects déterminés, radicaux, violents et que j’avais tant peur de perdre se révèlent non pas tamisés mais liés par une sorte d’assurance. Ce n’est plus de la rébellion adolescente au souffle parfois saccadé (car maintenant c’est ainsi que je vois la version test !) mais un choix savamment vécu, une personnalité totalement indivisible, passionnée et épanouie. J’avais aussi peur de voir le museau trop strict de la version 11 se pointer, une sorte de frigidité impeccable dans la soie haute couture. Je n’ai qu’une soie sauvage et froissée, parfaitement hors des podiums. 

     Et d’un point de vue technique je découvre dès le départ ce qui d’ordinaire me fait soupirer d’ennui : la bergamote. Généralement ce passage obligé des notes de tête me laisse juste une impression d’agrume citronné loin de son odeur si particulière. Elle est ici en filigrane mais d’une luminosité réelle, dense mais sans prendre d’ampleur, elle me transporte à Nancy, une tasse de Lady Grey au bord des lèvres. Vautrée dans le camphre et les fleurs fusantes, déjà salie de foin, l’ouverture est radieuse, furieuse.
     L’évolution se fait de façon plus subtile aussi, sans pour autant perdre de force, le caractère est là et chaque facette s’accorde sans avoir à hausser le ton, sans laisser de silence pesant, sans tomber dans un précipice. Dans la version test de grandes enjambées servaient de passage, maintenant seule  la pente est raide, le chemin lui est dégagé.
      Le cœur de cuir se fait peau, les naseaux soufflent chaud, c’est vivant, ça palpite. Le foin sèche doucement libérant dans la chaleur un effet croupi troublant. Les fleurs blanches, jasmin, ylang, tubéreuse, servent le lys qui défile entre le vert aqueux d’une naissance et le brun flétri organique prêt à mourir.
     Une pulsation cogne avec le labdanum, un musc salivaire corrompt un savon oublié, le corps fait monter la température et diffuse dans tout le box, … Et au milieu de tout ça, un tintement lointain, lancinant, un invisible voile entre narcisse, iris et violette, comme un courant d’air fantôme au milieu du vice.  
          
    Ce que je sens aujourd’hui est simplement plus lumineux et exalté, moins abrupt mais toujours de front… Une force lumineuse, avec ses failles, un rire fêlé pour un dernier galop...
     Je suis totalement impartiale, je l’aime ce parfum.





...Pour enfin se prélasser après la course folle.








(… Et juste parce j’ai envie de le dire depuis le temps que l’attente me crispe : le dernier truc qui bloquait depuis des semaines se débloque enfin, les étiquettes vont arriver bientôt… Tout devrait naturellement s’enchaîner donc… Si tout se passe bien… Mais pas demain !)



 

 

 

 




samedi 1 juin 2013

Motif d'absence!

     Il y a bien longtemps qu'un article n'est pas venu se poser ici... Mais voici mon mot d'excuse certifié grâce à un bout de vie illustré par Elodie
     Donc oui l'essentiel est le parfum.
     Tout ce qu'il y a autour on s'en moque... Seulement il faut bien le faire et j'ai donc navigué contre la montre pour : 





L'habillage des boites façon carton à chapeau ancien sortant d'un vieux magasin pour dame à la mode en 1900






Les nids douillets pour caler le flacon vintage histoire d'éviter le cheapissime papier de soie froissé




Le second opus du tableau inspiré des vapeurs de Lys Epona.







... Je reviens bientôt parler de l'essentiel : le jus et sa nouvelle facette inattendue... Juste le temps de reprendre forme humaine et contact avec le monde !!!




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