lundi 28 janvier 2013

Il était un brief...

 J'ai cherché, j'ai fouillé, j'ai trouvé... En le relisant je me suis surtout demandé si je devais le mettre ici, je ne l'avais pas revu, cela a été étrange, j'ai hésité. Mais je joue le jeu et voici, sans autre façon, le coeur du brief envoyé au nez mystère qui s'est penché sur cette idée:


Illustration : Elodie Lahaye

(...)  " La garde et le lys, ou quand la femme fatale rencontre le cavalier sauvage !!!   Un détour dans cette petite rue et Paris abandonne ses odeurs de grande ville, ses odeurs de bitume, d'échappement de voiture, de gens, de plastique.
   Le grand bâtiment parsemé de fenêtres balaie tout et exhale le souffle tiède des box : les écuries de la Garde Républicaine.
   Derrière ces murs les chevaux palpitent, la croupe frémit, le foin se bat entre moiteur et poussière.
La rue bascule, plonge dans un ailleurs sauvage. L'air chaud se sature de l'odeur des bêtes, de leur peau luisante, de leur selle patinée, de leur litière.
  Ca sent le sabot, la botte, la cravache, la ruade, les galops.
Et soudain, dans le vent tiède, passe une femme les bras chargés de lys envoûtants... Une opulence blanche et vénéneuse s'empare de l'atmosphère animalisée, l'enrobe comme un gant souple, se mêle au manège avec assurance, capiteuse et vive.
   C'est une danse sensuelle éprise de liberté.
   A ce moment là, une femme, baignée de lys narcotiques, revêt la veste imprégnée du cavalier...

   Ce parfum est une femme vénéneuse et sûre d'elle, une courtisane dompteuse d'étalon, un dandy qui excite la jalousie de ses maîtresses avec cette fleur qui pourrait être l'odeur d'une autre, un aventurier qui brouille les pistes ...
   Une articulation autour du Lys, Foin/Maté/Cuir, un blanc narcotique, animal et sec mais qui laisse parfois échapper la moiteur des corps, de l'air.
   Quant aux notes... Je ne peux que donner quelques chemins pour celles que j'aime et qui me viennent en tête, c'est surtout une articulation :
*Tête : Tonitruante sur une variation camphrée/térébenthine, une claque.
            - Ouverture lys vert (pas aqueux) ourlé de fleurs blanches, narcisse, maté, lavande "poussiéreuse"?, pour un départ limpide et tiède, floral, âpre.
*Coeur : Cheval vivant, box et lys.
            - Glissement vers un lys narcotique, mur, pourrissant, développant un aspect cire se mêlant au cuir. Une fleur d'oranger huileuse en accompagnement ?
            - Le maté devient foin, avec une note houblon, levure.
            - Balance entre opulence huileuse et poussière lourde. A peine un Iris/rose façon rouge à lèvres ancien (rance !) pour poudrer le cuir façon minaudière ?
*Fond : Peau chaude, le souvenir.
           - De cuir et santal qui tend vers un animalis, tout en gardant le lys en majesté !

Ce que je sais : il ne doit y avoir aucune vanille, sous peine d'apocalypse, pas de sucre, sous peine de cataclysme... Peut être un Ambre, s'il tend vers le coté médicinal/térébenthine...
Et si je parle de litière du cheval ce n'est pas pour avoir du bourgeon de cassis : je n'arrive pas du tout à l'imaginer ici !

Voici donc un bout de ce qu'il y a dans ma tête, en espérant que cela soit compréhensible et finalement plaisant. "(...)

samedi 26 janvier 2013

Rencontre et défi

   Le souvenir de cette après midi m'accompagne toujours, prêt à jaillir au moindre lys croisé, espérant à chaque incursion dans le monde parfumé trouver un écho...
   Ce monde parfumé commence pour moi dès les jardins, souvent parsemés d'Alysses odorantes à la divine odeur miellée, parfois si acre que j'ai pu entendre à son encontre un fameux "ça sent la pisse" ; les jardineries aussi d'où je ressors ivre de gardénia narcotique, le nez jauni de mille pollens, des papiers griffonnés plein les poches ; puis l'atelier de restauration de tableaux, juste en bas, qui baigne la cour d'huile et de térébenthine ; sans oublier internet, ses forums, ses sites, ses blogs...




celui qui a tué des chaussures...
   Et bien sûr il y a les parfumeries où, exposées sans pudeur, se dégustent toutes sortes de jus.
  Je les arpente parfois un peu à la façon de salles d'exposition, de galeries d'art ou même de sites archéologiques : dénicher, dans une petite boutique perdue, la dernière boite poussiéreuse d'un jus tant espéré, devenu introuvable ou tout simplement défiguré depuis une reformulation bancale, est un moment de plaisir absolu valant largement l'agonie d'une paire d'escarpins sur d'improbables pavés hostiles !!!

   Bien souvent ce sont les temples de niche parisiens qui offrent refuge à mon vice. Je passe et repasse inlassablement, le nez aux aguets, soupirant d'aise ou d'ennui...
   A force de passages et au gré des rendez-vous, les rencontres se font, les mots s'échangent, les passionnés se dévoilent.
   Alors inévitablement un jour, sous le soleil de juin, j’évoque cette Garde et ce Lys qui me hantent, ce parfum recherché qui en porterait la trace et que je ne trouve pas : celui-ci trop étouffant, trop frais, trop fleuri, trop fraise, celui là manquant de corps, de personnalité, de foin... Je parle, je parle, je parle et construit mon idéal entre hussard et fleurs blanches.

   C'est là qu'une phrase magique s'est posée dans la conversation : " Et si on essayait ? "
Lancée comme un challenge...
  " Ecrivez l'histoire, faites parler les émotions et les images, toutes les notes que vous avez en tête et on verra bien, juste un flacon, pour l'aventure ! "

** Ici devraient donc se trouver 18 lignes sur mon état à ce moment là : plus excitée qu'une fan de Justin et noyée dans un sourire indécrochable, à faire pâlir celui d'une vendeuse de télé achat, est un sans doute  un bon résumé **

Le pari d'une fiole rien que pour mon nez vient de se profiler...

   A quoi je pense ? Me précipiter chez moi et noircir du papier pour que cette idée ne puisse plus s'échapper ! Réussir à décrire le plus précisément cette odeur croisée, disséquer chaque note, chaque élément, chaque instant, suivre l'évolution à la molécule près...
   Mais devant le papier l'éternelle question du coucher de soleil ultra réaliste en peinture se pose : magnifique dans la nature, c'est étrangement tarte et froid sur toile. Parfum et odeur sont-ils du même combat? Oui, définitivement oui : l'odeur d'une rose peut être sublime mais sa restitution exacte et dépouillée en parfumerie m'ennuie à mourir... On peut certes reconnaître la maîtrise, mais sans émotion, sans histoire, sans personnalité, je m'en contrefous!!! Sans regard subjectif, copier la nature devient insipide...
Quel lys choisir?
   Et finalement j'ai depuis si longtemps mis à plat cette odeur, que déjà l'esquisse transformée se dresse, juste avec le trait du pinceau, la palette des couleurs, juste avec ma vision qui se superpose à la réalité... J’ai le parfum d’une odeur en tete…

mardi 15 janvier 2013

La Garde et le Lys


Un de mes recoins
Parfois une odeur croisée s'ancre si fort qu'elle devient fantasme, et un jour de belles rencontres lui font prendre corps.

Et ça c'est un pur bonheur pour la passionnée de parfum que je suis ! Chez moi tout se côtoye sans retenue : les classiques, les niches, les quatre sous, les trop chers, les vintages disparus ou pré-reformulation, les cultes, les décriés... Juste le plaisir au gré des envies, dans toutes les "familles", tous les "genres". Même si je dois bien confesser une restriction tout de même : les gâteaux et les lessives ! C'est une histoire impossible entre eux et moi, on ne se raconte rien d'intéressant, sentir le gourmand ou le propre est totalement absurde pour moi... Enfin, je suis sure de pouvoir trouver aux confins de mes armoires quelque chose qui s'en approche mais de là à l'avouer ce n'est pas dit !
En revanche avouer sans fard mon faible pour les parfums de culottes émues, bien plus que pour les jardins entretenus, est très facile ! Sans doute ma relation charnelle aux odeurs, c'est animal. Le corps, ce qu'il en émane, ce qui le sublime, sans masque.

Parfums et odeurs sont un transport permanent, une explosion d'images, de couleurs, de voyages. Découvrir sans cesse, sans dogme, dire pourquoi pas à tout (sauf donc aux gâteaux que je réserve à mes fesses et aux lessives que je réserve à mon linge ! ), c'est ce que j'aime, sentir et ressentir, un flacon, une herbe, une matière, une rue...

Et les rues de Paris sont pleines d'odeurs : de la friture des fast food qui s'incruste comme de la poix aux croissants chauds qui réconfortent, des gaz d'échappement aux parcs fleuris, des façades ravalées de solvants aux boutiques désodorisées à la cerise... Je connais par coeur : ici je fais un détour pour ignorer l'écoeurant magasin "top la mode trop fun les cosmétiques", puis je change de trottoir pour profiter des freesias du fleuriste, je sais que là je n'échapperai pas aux relents d'urine, mais heureusement je me vautrerai dans les épices et l'encens vingt mètres plus loin !

Parfois aussi Paris a des surprises, magistrales, auxquelles on ne s'attend pas.

Une balade par une après midi tiède, ensoleillée, légèrement moite, du vent léger et l'atmosphère qui bascule en un instant : je suis envahie par le box, le crottin, le foin, le cuir, le cheval... Une merveille presque surréaliste au coeur de la ville, une fenêtre où s'engouffre, sauvage, l'odeur des écuries de la Garde Républicaine. Ça transpire juste sous mon nez. Un trésor au coeur d'un immense bâtiment s'infiltre dans la rue...


Fenêtres sur écurie



Je ne suis pas seule à me promener. Derrière moi le clac-clac-clac de talons. Une femme passe les bras chargés. Une seconde, peut être deux, et je comprends ce qui l'encombre : un immense bouquet de lys se répand dans les airs, violent, toxique, il laisse l'écurie sur le carreau.

Et puis le moment précieux, celui qui se grave dans mes cellules : le cheval et le lys en équilibre, apaisés après une danse torride, l'instant où la rencontre est accordée...

Peu à peu l'odeur s'estompe mais elle reste accrochée, fantômatique, à mes vêtements, à ma peau, familière.

Cette histoire, entre violence et douceur, c'est le germe de Lys Epona.