lundi 17 novembre 2014

Digression : Adieu Sagesse,Jean Patou

Extrait du livret contenu dans la boite de collection 1984


          
       J'aime écrire sur ce qui me plait. L'envie de passer du temps entre sentiments, émotions et mots ne me vient qu'avec le plaisir d'une jolie chose, d'un beau jus. Les cas désobligeants à mon nez n'ont d'intérêt que s'ils sont le fruit d'une énième torture de l'ifra, de la mode, de l'argent... Parler d'une reformulation peut me plaire : un aimé défiguré tord le ventre, un aimé légèrement botoxé peut prêter à tendresse, un aimé ressuscité émerveille.

       Ainsi, lorsque Patou  décide de rééditer certains parfums de son patrimoine, je ne peux m’empêcher d'en parler : mon adoré  Chaldée , l'histoire de la boite de miniatures retrouvée, l'enivrant grand flacon de 1984, l'odeur revue de celui de 2013...
      Puis l'annonce d'Adieu Sagesse arrive et me voilà frétillante d'impatience, certaine d'avoir aussi plein de choses à en dire... Du vieux que j'aime, du neuf à découvrir, que demander de plus ! 

      Seulement voilà, j'ai confondu beaucoup de choses : le plaisir, le transport, l'excitation, l'envolée des sens de cette journée d'orgie, le nez affolé par douze "nouveaux" Patou, je les ai raccrochés à lui, Adieu Sagesse, j'ai tout flanqué sur son dos. Il est le premier flacon de cette série que j'ai acheté, mon premier coup de cœur. Pourtant il n'est pas mon préféré... A peine une favorite de quelques heures vite remplacée. Il est rangé et il n'est pas sorti de sa boite depuis des années. 

Retrouver mon premier amant chez Patou, Ô merveille ! 
Oublier qu'il n'avait jamais été le plus doué, Ô idiote !

     
      
           


    Ma collection 1984 : Adieu Sagesse, edt 75ml



         Voici les quelques mots, à l'intérieur de la boite de miniatures, présentant Adieu Sagesse. A l'époque les fleurs blanches m'agaçaient, m'étouffaient. Le muguet était déjà du vomi d'herbe à chat au poivron. Quant à l'exotisme, pourquoi pas l'atroce Pina Colada tant qu'on y est !!! Pourtant il m'a énormément plu... Aujourd'hui un peu moins.

   
       Alors comment parler de lui ? Je le trouve toujours beau, mais il ne me ressemble pas... Il n'est plus au goût de mes jours. Mais je l'aime bien, vraiment, et voilà pourquoi :

      Parce que pour moi c'est un énorme pot de crème onctueuse et poudrée, vieillotte à souhait. Entre rigidité piquante et moelleux huilé. Un coussin de muscs doux empreint de néroli et marqué d'une trace d’œillet, façon fouet.
   La sensation d'une danse entre les squelettes de L'air du temps et du Dix dans un paysage doucement exotique. Accrochés à cette armature une vague de fruits murs va et vient au milieu des fleurs blanches. Du cassis à l'ananas, une palette étrange se déploie, presque "jasmin fraise", confite d'orange douce... Puis c'est une petite mangue de gardénia qui pointe, sans sucre, juste juteuse avec cette petite âpreté de champignon.
   Toujours poudré et crémeux à la fois, il avance doucement vers une facette plus organique et miellée, un peu cirée. Après les fruits et le frôlement d'un savon croupi, la patine avec la peau, plus délicatement sensuelle, arrive enfin. Un peu de musc, de civette... Mais toujours ce penchant vert qui tranche avec le rouge de l’œillet, un vert organique et un peu cuiré, poussiéreux. Tout est enrobé de miel dilué et de cosmétiques effacés. Cela reste doux et de "bon ton".

    J'ai du mal avec le concept "Parfum doudou", à la rigueur "Parfum cocon". Mais celui-ci est un parfum confortable, du bien être élégant, on s'étire, on se sent femme, on se sent bien.
    Moment d'abandon ? Ce n'est pas ainsi que je m'abandonne en tout cas... Ou alors seule et sans aucune histoire de mains à la clef...















Collection Héritage, 2014 : Adieu Sagesse, edt




Une petite recette magique est passée par là... Toute simple. Vous connaissez celle du Quatre Quart? Et bien vous voici prêt à réaliser votre propre Adieu Sagesse.






Ingrédients :

-1/4 d'Adieu Sagesse millésime 1984 (si vous en avez du 1925 oubliez, cela corserait trop la recette je pense...)

-1/4 d'eau de source de montagne (l'eau du robinet peut faire l'affaire, mais ce "petit plus" plat et ferreux n'y sera pas)

-1/4 de déodorant Dove (à défaut de l’assouplissant non dilué fraîcheur blanche des vergers sous la brise peut s'envisager)

-1/4 d'imagination (vous pouvez même en rajouter une rasade, cela permet plus de moelleux lors de la dégustation)

                                                 


Une fois vos ustensiles passés au Paic et à la Javel vous pouvez commencer :
Mélangez vigoureusement en prenant tout de même soin de laisser la couche de Dove nager en surface. Quelques grumeaux d'Adieu sagesse 1984 peuvent apparaître, ce n'est pas grave. Veillez simplement à ce que l'eau ne s'évapore pas trop, il serait dommage de perdre tout son caractère. Quant à l'imagination elle doit absolument  enrober chaque élément (c'est la seule partie technique de la recette ne vous inquiétez pas).
Enfin, pour la décoration, piquez des brins de muguet, parsemez de pétales de rose afin de bien recouvrir le tout et terminez en saupoudrant de sucre vanillé.





Suggestion d'accompagnement : si vous êtes friand de questionnements existentiels je vous conseille un œil perplexe (l'autre pouvant être incrédule). Si vous préférez les joies d'un terroir plus franc le grand éclat de rire est parfait.