mardi 19 février 2013

Variation en trois odeurs

     Me voici avec trois nouveaux opus entre les mains : Bucéphale 4, Bucéphale 5 et Bucéphale 6.
     Lorsque j’ai vu Amélie afin de récupérer les fioles, mon nez était prêt à l’attaque et ma langue prête à débattre. Seulement voilà j’ai été incapable d’avancer le moindre mot constructif cette fois ci…
   J’absorbais ces nouvelles versions, attentive, à la fois détaillant les matières et me laissant porter par les émotions. Mais en dire plus que "celle-ci me plait" ou "celle là beaucoup moins" était difficile, voire artificiel.
   J’étais persuadée que nous allions passer un long moment d’échanges, finalement j’ai bien été obligée de constater que je ne pouvais pas sortir de moi toutes ces impressions sans les avoir digérées, sans avoir eu un moment intime avec elles : j’avais besoin de temps pour comprendre, un temps seule pour me les approprier, être certaine que rien ne parasitait mes sensations, mes perceptions.
   J’ai donc presque tout gardé pour moi, les mots et les tableaux avec les notes et lignes directrices de chacune des versions afin de pouvoir tout sentir sans aucun préjugé…

    Enfin chez moi et enfin je me vautre dans les jus ! Je n’ai que deux mains, et le parfum est puissant, jouer au Genou de Claire n’est pas une bonne idée, je fais un choix : 4 et 6. Car si je n’ai pas dit grand-chose j’ai en revanche immédiatement su que le 5 avait peu de chance d’avoir mes faveurs.
    Peut être justement aurais-je du le tester en premier, qu’il ne pâtisse pas de comparaison, mais non, vraiment, je sais déjà que nous n’irons pas loin lui et moi : il est trop floral ! Je retrouve cette impression de jasmin malabar, moindre toutefois, mais surtout il me manque l’animalité, il sent bon mais me laisse froide…

   *Découverte du n°4 sur ma peau : comme je l’aime ce départ décidément ! L’épine mentholée est bien aplanie mais il reste un accro, c’est comme passer ses doigts sur une surface poncée mais où subsiste une légère bosse. Il me semble plus ciselé et fluide, j’aime son lys mais je trouve celui-ci un peu trop tamisé sous un aspect daim velouté… Puis il y a un fond qui me dérange : une chaleur qui friserait presque du coté de la vanille, un encens trop ambré. Un labdanum que ma peau refuse. Ce 4, fort en apparence est finalement trop tiède, il respire mais n’exsude pas, il a une présence trop lisse. Le box a été bien trop récuré, le foin est bien trop frais, et le lys bien trop éloigné.

    *Découverte du 6 sur ma peau : ce même départ mais qui déjà annonce une terrible dose d’assurance. Il n’y a plus rien de lisse, c’est du baroudeur qui entre dans la pièce ! Justement avec un peu trop de virilité… Si le cèdre est délicieux il y a une ombre qui le noie : du Pin ! Je suis persuadée qu’il y en a et ce n’est pas du tout le bon décor. Mais alors quel joli cuir, fumé et patiné, et cette sensation de peau, de salive séchée, d’arrière gorge, un voile d’iris acre aussi me semble-t-il… Tués malheureusement par ce pin trop fusant, trop présent. Et puis là encore le fond est trop ambré/chaud à mon gout.

    Je passe plusieurs jours à retourner toutes les notes, à les agencer dans ma tête, à les entremêler virtuellement. Puis je me décide à faire ce que j’adore faire avec quelques-uns de mes parfums: je mélange ! Certains pensent que cela relève de l’hérésie, de la trahison vis-à-vis d’une œuvre artistique, que cela ne peut avoir qu’un atroce résultat… Et bien c’est un joli manque d’imagination et un bel exemple de dévotion mal placé. Juxtaposer une touche de L’Eau du Fier à Violetta est une pure merveille, tout comme un cou parfumé de L’Heure Promise frôlant une étole empreinte d’un vieil extrait My Sin…
    Enfermer l’art sous une cloche de verre est terriblement déprimant et réducteur, et puis je ne touche pas à l’original après tout, ce ne sont que des flacons, ouvrir une soupe Campbell n’est pas éventrer Andy...
    Là j’y vais carrément, l'un sur l'autre,  je veux voir ce que ça donne, dans tous les sens. Je découpe encore des carrés de tissus et je vaporise : 4 et 5, puis 5 et 4… 6 et 5, puis 5 et 6… J’ajoute de la fleur où je n’en trouvais pas assez en fait. Et puis ma peau se prête au jeu aussi, j’en ai partout et j’aime sentir ces parfums !
   Tous ces essais je les rapporte à Amélie, tout ce que je n’ai pas su lui dire je lui écris : je l’abreuve de mails durant plusieurs jours, plusieurs fois par jour, retrouvant toujours un détail oublié, faisant des pauses pour repartir à zéro !

   Et finalement nous en arrivons à cette envie : la fluidité élégante du 4, relevée par la témérité sale du 6, le tout ourlé d’un lys plus déclinant et enveloppant sans être central...


11 commentaires:

  1. mes naseaux frémissent à cette lecture, qu'en sera t'il de la suite ? je guette avec impatience le partage de cette envie,
    WA

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  2. Merci pour votre enthousiasme, cela fait vraiment plaisir ! Amélie a vraiment cerné mes attentes, et elle va traduire cette envie de plus en plus parfaitement ;-)

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  3. Bonjour Lys Epona. J’apprécie de plus en plus ce journal de bord. C’est très beau. IL ne manque plus que les odeurs.
    A très bientot sur ton blog. Marie 13

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    1. Bonsoir Marie.
      J'espère que le fil de cette histoire continuera à te plaire, et les odeurs auront bien l'occasion un jour de filer vers ton nez ;-)

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    2. J'ai beau connaître toute l'histoire, de son début à sa fin, avoir sniffé longuement, du 4, du 6 et puis du 5 et puis non refais moi sentir le 4 et et puis non en fait le 5, et puis prêté des centimètres carrés de peau, fait des superpositions pas très catholiques et des pschittages inventifs (LOLL), te sortir des phrases toutes livonesques du style "ça sent le naseau, tu sais, là où c'est tout doux" ou encore "ça sent la croupe transpirante qu'on vient de passer à la paille fraîche"(re-LOLL), je ne me lasse pas de te lire et je suis totalement tenue en haleine par le déroulé de tes mots, la sarabande de tes ressentis. Cette aventure est très belle, unique, formidable, totalement folle.... Elle te ressemble, quoi :-))

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    3. Ouiii!!! Les images de Liv', quel bonheur! Le naseau c'est vraiment l'effet voulu par Amélie, tu as été über experte là! Et je ne me lasserai jamais de tes (oui si je mets ça au singulier ça peut faire étrange!) "croupes transpirantes" ou de tes (bha pareil!) "Salives séchées"
      Mille merci à ta peau d'avoir affronté les assauts des vapos, et mille merci pour tout, tes mots sont importants et me touchent ;-)

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    4. Ouiiiii "ma croupe transpirante", ça pourrait porter à confusionnage :-)
      Depuis quelques mois maintenant, je t'associe au rouge, le lys rouge, rouge.... pompiers LOLLLLL
      Gratte gratte belle plume LysEponesque, embarque nous dans tes rêves et tes mots, encore !!!

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    5. Rhooo, croupes et pompiers... Un parfum de fesses roties peut etre? La blonde, il faut enqueter là !!! ;-)

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    6. La fesse rôtie je la trouve dans... Baiser volé !! MDR
      enfin disons que pour moi ce truc sent le jambon fumé rôti (ou le jambon de Parme cru !) yeuuuuurk !
      Blonde un jour, blonde toujours ! :-))))

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  4. Volé un baiser à une fesse rotie, quelle idée :-p
    Sinon le jambon de Parme est un délice... Heu dans un flacon j'adhère moins effectivement!!!
    Non mais de toute façon, il te faut du caviar à toi: Womanity!!!

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    1. Womanity ???? naaaan, pas assez caviar ! moi je veux Womanity-shimmering-gold-glitter-christmas-only-for-sparkling-girls :-))))

      et là, tout de suite, je revis !

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