Tatouage |
Lorsque j'ai eu le coffret entre les mains c'est elle que j'ai dégainée en premier. Je pensais qu'elle était celle qui m'avait le plus déconcertée à l'époque de la sortie, en 1998, des Sautes d'Humeur . Mais en fait non. D'Humeur à Rien m'avait déconcertée. D'Humeur Massacrante elle, m'avait plu.
En la sentant à nouveau j'ai été réellement troublée : une impression terriblement familière m'a littéralement envahie. Pourtant il était impossible que ce parfum fasse parti de mon chemin olfactif puisque je ne l'avais jamais porté ni même "approfondi". J'ai alors à nouveau pensé à Passage d'Enfer mais ce n'était pas cela... Le travail d'Olivia Giacobetti à travers Iunx encore une fois peut être ? Ether, L' Eau Sento... Non plus. Bordel, ça sent un truc que je connais, que je porte !!! Je tourne en rond, en bourrique, une idée fixe, un casse tête.
Balayage du regard vers l'amas de vapos trônant sur la table de nuit. Focus. Déclic. Voilà ! C'est celui ci ! Je peux enfin jouer au lion tranquillement, j'ai trouvé ce qui m'était si familier et je suis plus qu'étonnée. D'ailleurs j'aurais peut être dû m'abstenir de poser le nez sur ce fait, car je commence à avoir du mal à dissocier les deux parfums. Il s'opère une sorte de mise en parallèle incontrôlable dès que je respire cette humeur. Je ne suis que points communs et oppositions, toute en échos.
D' Humeur Massacrante
" Un parfum rouge. Comme voir rouge. Brûlant comme le feu. Énervant comme trop de café. Piquant comme la moutarde qui monte au nez. Soufré comme l'allumette qui craque. Et la flamme qui part dans un éclair... Comme une colère !
Une bonne raison de le porter : le vaporiser, c'est comme casser une pile d'assiettes. Une façon d'exprimer sa colère et en même temps de s'en libérer. Une colère qui s'envole en particules odorantes, c'est tellement léger à porter ! "
Extrait du livret accompagnant le coffret.
L'ouverture, sans noirceur pour autant, est plus sombre et compacte que celle de son parfum frère qui ne me sort pas du nez. Si le frère offre la fausse limpidité d'une couture de foin nimbé de maté, cette Humeur Massacrante elle se trouble d'alcool suave :
C'est une valse entre poudre épicée et vieille liqueur aux plantes. Clou de girofle, cannelle et mélisse, une idée de Becherovka dans l’atmosphère. Un zeste amer ? Entre orange et pamplemousse peut être. Un jet lumineux, une tornade au sourire déconcertant. L'encens, bardé d’échardes, roule avec délice dans ces clous, traverse la muscade, froisse la coriandre et atterrit dans un joli poivre grisé qui chatouille le museau.
Ce n'est pas vraiment sec : on sait le paysage encore imperceptiblement humide. D'une averse brusque et fugace, de celle qui laisse juste le temps à la terre de coller, ici et là, en gouttelettes compactes sa poussière superficielle. Une poussière de terre ocre, pâte de piment légèrement sucré, pas en gourmandise, juste comme un grain de sel exhausteur de gout. Puis tout se broie. La sécheresse reprend ses droits et les matières s'effritent dans l'air, minuscules particules en apesanteur durant quelque instant... Son frère est si proche.
C'est un brusque coup de vent brûlant qui vient tout coller à la peau. Légèrement fumé, comme à peine torréfié, le cuir très fin s’imprègne de l'encens et des épices. Autour les bois ont chaud eux aussi. Cèdre, santal et vétiver se dressent fièrement, géants face aux poudres rouges. C'est une route qui s'ouvre, tourbillons poussiéreux et arbres majestueux en lisière. Cette route est la même, peut être juste un autre jour, un autre moment, mais c'est bien celle qu'empreinte son frère en 2006 par la grâce d'Isabelle Doyen pour Les Nez...
Lorsque la colère retombe (une colère souriante et éprise de liberté s'il en est...) il reste la trace, en transparence, vergeure et pontuseau, de l'encens et du vétiver. Mais ce n'est pas pour autant ténu, le papier vergé tiendrait même plutôt du parchemin légèrement viril. Il quitterait un peu son frère d'ailleurs ici, et saluerait un cousin proche : Tumulte, Lacroix (2005)
Humeur Massacrante et Let me play the lion sont si proches... Ils sont beaux. Une même histoire avec un autre point de vue. Le Lion attend l'orage, Massacrante l'a essuyé. Je reste plus attachée au Lion et son avidité d'espace, il me parle d'aventure, une pionnière de l'aviation qui pose son coucou sur une piste africaine. Massacrante me fait parcourir la piste à pied, je me sens moins à l'aise, un peu écrasée par la grandeur des arbres...
Arbres, Automne. Achille Emile-Othon Friesz, 1906 |
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