vendredi 1 février 2013

Bucéphale

   Voilà, je l’ai envoyé. Sans même savoir ce à quoi devait ressembler un " brief " . Celui-ci tient-il la route ? En dessine-t-il au moins une ? L’idée voyage maintenant sans moi, à travers un autre esprit prêt à lui donner vie... Il est temps de lâcher prise ! Même si...

... Se pencher sur la pyramide olfactive d’un parfum, entre les grandes fantaisies de " rose bleue " et les maladroites tentatives de " mousse de chêne " actuelle, permet tout juste d’imaginer la ligne directive d’un jus, au mieux on peut se projeter vers un fruité, un boisé, un exotique, un floral… Mais jamais toucher ce que le dosage et l’agencement, la patte du nez, la qualité des matières, donneront. La personnalité d'un santal, l’épaisseur d’une tubéreuse, la verdeur cuirée ou le moisi coumariné d’un lentisque, l’âcreté d’un bouleau...
    Ne parlons pas des merveilleuses 5 lignes de dossier de presse qui semblent nous dire que si nous ne sommes pas transportés par un paon mystique sur la divine île de Fragette les Ursules, alors nous sommes bons pour une fessée cul nu et un abonnement à vie à Mode et Travaux, histoire de nous apprendre ce qu’est l’élégance, la vraie…
    Mais même avec la plus précise et poétique description, les mots sont si subjectifs qu’imaginer un parfum à travers eux restera toujours un pari, excitant mais risqué ! Combien de fois ai-je ainsi entrevu un jus en m’écriant " Ho ! Il faut que je le sente, c’est exactement ça que je veux " pour ensuite découvrir qu’il ne m’évoquait absolument pas la même chose ?
    Comment ce que j’ai écrit va-t-il être traduit ? C’est à la fois excitant, frustrant et angoissant ! Je verrai bien…

    Et un jour un mail arrive : " Passez quand vous voulez, il y a des choses à sentir : une version sage et une pas sage du tout ! "
   Je me précipite et enfin, entre mes mains, deux petits flacons : version 2 et version 3, nom de code "Bucéphale" Je pense alors que l’on m’a déjà un peu comprise.
    Du fantasme à la réalité il faut ici sauter : ouverture du bal, par pure logique, y aller crescendo avec la sage, même si je lorgne déjà sur la pas sage !

-Version 2 :
Une ouverture tonitruante est bien là, blanche et camphrée, térébenthine… Mais il y a un accroc : une note mentholée totalement incongrue perturbe l’ensemble. Puis d’un gros bouquet blanc émerge un jasmin aux accents malabar fraise et me donne une vision rose fluo du parfum. Vient doucement et de façon ténue un coté animal/foin, mais bien trop anecdotique et perdu dans ce contexte flashy. La part belle est faite aux fleurs, la femme est là mais pas le box, je passe très vite cette version, je sais que ce n’est pas la bonne, je ne l’aime pas. En revanche, étrangement, la ligne est là, brute et pas du tout ajustée, mais prête à être taillée.

   Ma patience à bout, j’ouvre enfin la " pas sage " .

-Version 3 :
Cette tête si jolie, exactement dans la veine de ce que j’imaginais, est toujours là, et toujours aussi cette épine mentholée. Mais plus l’ombre d’un malabar, adieu la fraise fluo et place à un caractère bien plus cuiré et fumé, foin et tabac. Bucéphale trépigne, de façon un peu trop viril et écrase les fleurs au passage, le lys n’est plus qu’un souvenir et manque terriblement, le parfum se fait trop rêche, le cavalier est là mais plus la femme ! Sauvage mais pas séducteur… Seulement cette version je l’aime bien, je pourrais la porter ! Ici c’est le bon bloc de marbre, il n’y a plus qu’à user les ciseaux.

   N°2 est totalement abandonné, je passe des jours à sentir avec plaisir N°3 sous toutes ses coutures : vaporisation touche, peau, tissus, tige juste passée sur la main… Je sniffe à longueur de temps !
… J’imagine qu’il y aurait pu avoir des tas de façons d’aborder ce que j’ai décrit, c’est assez incroyable ce premier contact si juste.

Et demain je rencontre enfin " mon nez " Amélie, à qui j’ai mille choses à dire…

 

4 commentaires:

  1. Lol, fragette les Ursules!
    J'aime beaucoup cette histoire et la vision du parfum qu'elle donne. Un peu compliqué de la prendre en cours de route, et à l'envers donc!. Mais j'ai très envie de le sentir et de savoir justement si les mots vont correspondre à l'idée que je me fais.
    Et sinon en remontant au premier article, je me demande quel parfum inavouable on peut trouver en fouillant chez toi ;-)

    Camille.L

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  2. Et les mots vont changer au fil du travail!!!
    Avouer du sucre et du gourmand??? Folle que tu es Camille... Ce qui me viens à l'esprit, c'est un bonbon: Minuit Noir de lempicka. Un rouleau Haribo à la reglisse, infusé dans la creme Nivéa.
    Je ne dis plus rien!!!
    Merci ;-)

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    1. Tu l'avais déjà avoué, c'est pas drole :-p
      Camille.L

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  3. j'attends la suite avec impatience, que de belles choses à découvrir et partager
    WA

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