Si, une fois de plus, je dois avouer une chose, c'est que Velvet Gardenia est celui qui m'a permis d'apprivoiser réellement les fleurs blanches. Pourtant son entrée n'a rien de doux en la matière : Il ne joue pas un long strip tease, il n'essaie pas de faire passer la Valda avec tendresse ni de vous faire venir à lui patiemment. Il n'est pas de ceux qui prennent l'air aimable ou qui se cachent sous des fards pour vous accrocher.
Malgré tout c'est bien lui qui a éveillé mon nez aux fleurs blanches. Au Gardénia. Il est venu éclipser toutes mes idées de tubéreuse graissante, de jasmin facile, de lys approximatif... Ces fleurs dont la lisibilité frôle souvent le simple cliché dans mon imaginaire (n'évoquons même pas la blanche fleur d'oranger qui, après tout, n'est que pâtisserie à base de bébé mou).
Et c'est sur ce monde là que la porte s'est ouverte :
L'atmosphère est lourde, pesante, terriblement moite et... Si souriante pourtant :
...Explosion blanche en nuage atomique : le champignon, poli et luisant, est le tout premier compagnon de cette dame blanche, admettant à ses cotés le pétillant d'une orange douce gorgée de soleil. Cette bouchée de fraîcheur terreuse, c'est la crinoline un peu rouillée qui maintient la robe lourde et laisse passer le grand air...
... Un grand air saturé et narcotique. Une bouffée de gazole ultra féminine et transpirante, un road trip fantôme. Une quetsche mate pour s'amuser la gueule, le gardénia a beau prendre des accents de gorge miellée, se déployer, jouer avec rose et jasmin, voire se costumer en tubéreuse, il reste bien là, prêt à s'embraser, pétales blancs maculés d'essence.
... Pétales blancs et gras d'une cire animale un peu sale. De celle qui colle à la peau et accroche les derniers vestiges solaires de la fleur toxique. Une cire en écho au souffle de la vieille station essence maintenant abandonnée. Un vieux piano joue seul, il parle des fesses qui lui sont passées dessus. Un souvenir à peine fumé, entre labdanum et encens, s'immisce doucement, rappel que la nuit tombe.
Velvet Gardenia est une apparition. Tonitruante et fantomatique à la fois. Elle charrie toute la chaleur et la langueur d'un vieux sud dépassé, déambulant entre maison à colonnes et cabane au bord du bayou, dansant d'une salle de bal à un bar à néons rouges. Si la robe blanche qui virevolte fut à crinoline, si la femme fut une dame, leur chemin en a explosé les codes, les propulsant dans un air trouble et lourd, entre mélancolie et piano mécanique déglingué, jupon froissé et culotte arrachée, foule assommante et paysage désertique.
C'est la prouesse de Velvet Gardenia : une cohabitation sulfureuse et anachronique entre deux mondes. Faste et trash, élégance immaculée et libido exacerbée. Le glissement du soleil brûlant vers l'ombre veloutée, un arrière gout de décadence lasse... Ou peut être juste un avant gout... S'il est d'aujourd'hui, des fantômes tournent autour, un brin vulgaires mais si somptueux.
Ellen Von Unwerth, Solve Sundsbo, Helmut Newton. |
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